Bénédicte Saint-André
Entrevue
Eneritz Zabaleta
Enseignant en droit public

Décryptage du recours contre l'EPCI Pays Basque

MEDIABASK a eu accès au recours déposé contre l'EPCI Pays Basque par le Collectif des élus et citoyens pour une communauté Pays Basque. Décryptage avec Eneritz Zabaleta, enseignant en droit public à l'université du Mans et membre de l'équipe de l'UPPA et du cabinet Acadie qui a réalisé l'étude de faisabilité de l'EPCI Pays Basque en 2015.

Eneritz Zabaleta © Sylvain Sencristo
Eneritz Zabaleta © Sylvain Sencristo

On parle d'un recours déposé au tribunal administratif de Pau. Mais ce sont plus précisément deux recours qui l'ont été ?

Eneritz Zabaleta : Oui. Il y a un référé qui vise à suspendre l'application de l'arrêté de création de l'EPCI. C'est-à-dire, que l'arrêté est mis entre parenthèse, le temps que le recours sur le fond soit tranché. L'avantage est que le juge des référés statue rapidement, maximum 1 mois. Ici, le recours a été déposé le 9 septembre.

Et ce référé est  donc assorti d'un recours sur le fond.

E.Z : Oui, un recours pour excès de pouvoir, c'est-à-dire qui vise à annuler l'arrêté. Dans ce cas, l'EPCI serait censé n'avoir jamais existé, et ses effets juridiques seraient effacés définitivement pour le passé et l'avenir. Il sera évidemment toujours possible de faire appel, dans un camp comme dans l'autre. La procédure est ici bien plus longue. Elle peut prendre plusieurs mois, voire années.

D'après nos informations, le jugement sur le référé aurait lieu le 27 septembre*. Quels sont les scénarios possibles ?

E.Z : En l'état actuel des choses, si le référé est réjeté, l'EPCI sera alors normalement créé au 1er janvier 2017. Sinon, il sera mis entre parenthèses. Dans les deux cas dans l'attente que le juge statue sur le fond, je le répète.

Quels sont les arguments développés dans ces recours ?

E.Z : Il y en a plusieurs types. D'abord des arguments sur la procédure utilisée. Même si des irrégularités étaient constatées sur ces points, elles n'entraîneraient pas forcément l'annulation de l'arrêté.

Puis des arguments sur le fond portant sur les choix pris par le préfet, principalement sur le dépassement des seuils minimaux prévus par la loi NOTRe pour une intercommunalité [15.000 habitants, ndlr.] et le dépassement des logiques de bassin de vie.

Ici, le juge devra apprécier quelle est l'étendue des pouvoirs confiés par la loi au préfet. Dans le cas de pouvoirs larges, il n'annulera l'arrêté que s'il y a une erreur grave.

Le jugement sur le référé peut-il donner un premier éclairage sur le fond ?

E.Z : Il donnera déjà quelques pistes, oui. Puisque pour suspendre l'arrêté, le juge devrait trouver un doute sérieux sur sa légalité. Un simple doute ne suffit pas. 

Dans le cas contraire, l'illégalité éventuelle serait forcément moins manifeste, donc laisserait penser que la procédure sur le fond ait moins de chances d'aboutir. Mais, les deux procédures sont indépendantes, et même si le référé est rejeté, cela ne veut pas forcément dire que le recours en annulation sera à 100% rejeté.

Donc, pour l'instant, il n'y a pas de question prioritaire de constitutionnalité (QPC) qui ait été déposée ?

E.Z : Non, en effet. Ces recours contestent la validité entre l'arrêté préfectoral et la loi, notamment la loi NOTRe. L'objet de la QPC n'est pas de contester la validité de l'arrêté, mais se situe sur un autre plan, contester la constitutionnalité de la loi.

En effet, le préfet a très bien pu respecter scrupuleusement la loi, mais cette même loi peut être contraire à la Constitution. Dans ce cas, l'article de loi est abrogé. Il faut bien comprendre que la QPC dépasserait la question de l'EPCI Pays Basque: c'est une question plus globale, et les effets concerneraient tous les EPCI objets des dispositions légales.

* Dans un premier temps, il avait été écrit par erreur 20 septembre.