Bénédicte Saint-André

Travailler oui, mais autrement

Nouvelle manière de vivre sa relation au travail et à l'autre, le Coworking Pays Basque séduit des membres toujours plus nombreux. 

Lauriane Lascurain et Jean-Christophe Fauquenot © Isabelle Miquelestorena
Lauriane Lascurain et Jean-Christophe Fauquenot © Isabelle Miquelestorena

Le café est chaud et l'ambiance studieuse dans les 444 m2 du Coworking Pays Basque, cet espace de travail pas comme les autres, situé quartier de la gare à Biarritz. Ici, indépendants, créateurs d'entreprise et télétravailleurs viennent partager leur quotidien professionnel, et plus encore.

"Nous pouvons parler d'un tiers-lieu, à mi-chemin entre maison et travail", explique Jean-Christophe Fauquenot, son fondateur. En 2012, l'homme était précurseur et le Coworking Pays Basque ouvrait ses portes à la technopôle Izarbel.

"Le plus difficile, confie-t-il, fut de balayer nos propres représentations. Nous sommes conditionnés dans notre rapport au travail, un rapport anxiogène et qui prend pour piliers le salaire, le CDI et à aucun moment l'épanouissement personnel. Il a donc fallu apprendre à réfléchir autrement ".

Lauriane Lascurain, architecte angloye et coworkeuse confirme. En perte de sens dans le frénétique métro-boulot-dodo parisien, c'est ici qu'elle s'est trouvée. "Je me sens enfin à ma place, dans un endroit à la fois plein d'énergie et en accord avec ce que j'ai envie d'être", livre-t-elle.

Sortir de chez soi et de l'individualisme

Car en toile de fond, c'est bien un idéal de société qui se dessine, le coworking permettant de sortir de chez soi (quitter pyjama et procrastination) mais aussi de l'individualisme. "Ici, il n'y a pas de concurrence, mais de la complémentarité, de l'entraide." Lauriane réalise des plans pour une coworkeuse photographe tandis qu'elle lui fait son book. Et ainsi de suite.

L'organisation, elle, est horizontale. Des pôles, animation, sport, gestion financière, innovation sociale permettent d'orchestrer la vie du lieu avec des référents, et non des chefs. Et là où il était initialement prévu un pique-nique commun le jeudi, les coworkers partagent finalement non seulement les repas du midi mais pour nombre d'entre eux sorties et loisirs.

"Le but était de créer un melting pot de métiers et de profils différents, d'être le plus ouvert possible", précise Jean-Christophe Fauquenot. Ainsi, le lieu accueille 38 permanents, toutes générations confondues,  qui versent un loyer de 150 euros par mois ainqi qu'une vingtaine de nomades, de manière plus ponctuelle. Et n'en finit pas de se développer.

Se réapproprier la valeur travail

"On a essaimé à Bayonne au quartier Saint Esprit et doublé la surface de nos locaux en avril 2016, explique Lauriane. Naturellement les membres se tournent vers le crowfunding pour en  financer l'aménagement. "C'est un lieu bouillonnant d'initiatives , on n'en aura jamais fini", s'enthousiasme–t-elle.

Entre autres perspectives, l'accueil de demandeurs d'emploi qui se fait pour l'instant de manière informelle mais pour lequel l'association pourrait solliciter des financements publics. "Ils profitent de notre réseau, retrouvent un rythme et surtout ce qui fait notre force, le lien social". La création d'ateliers partagés aussi comme celui de Bidache, où habitants, artisans, artistes se réunissent autour de réalisations concrètes : forge, petite maroquinerie ou autre spirale d'aromates.

Une ébullition permanente donc et surtout une réappropriation de la valeur travail. "Les études démontrent que le coworking amène 20 % de productivité en plus, un bénéfice dû à tout le stress évacué", indique Jean-Christophe Fauquenot. "Je continue parfois à faire des journées de douze heures, conclut Lauriane, mais je ne le subis plus".