Goizeder TABERNA

L'accord entre l'UE et le Canada ne reconnaît pas l'Ossau-Iraty

Le fromage de brebis basco-béarnais ne bénéficie pas de la même reconnaissance que le piment d'Espelette. Tous deux distingués par une AOP, ils n'ont pas la même place dans l'accord finalisé par le Canada et l'Union européenne.

Certains industriels de l'agroalimentaire regrettent l'absence de l'Ossau-Iraty dans la liste des produits protégés. (Gaizka IROZ)
Certains industriels de l'agroalimentaire regrettent l'absence de l'Ossau-Iraty dans la liste des produits protégés. (Gaizka IROZ)

Le Canada accordera une reconnaissance au piment d’Espelette mais pas à l’Ossau-Iraty. Les deux bénéficient pourtant d’une appellation d’origine protégée (AOP). L’Accord économique et commercial global (AECG / Ceta) que le Canada a finalisé avec l’Union européenne ne prend pas en compte 90% des appellations d’origine de l’Union.

Sur les 50 appellations d’origine protégées laitières que compte l’Hexagone, seules 28 sont reconnues par le texte. En fromage de brebis, le Roquefort est le seul à ne pas craindre la contre-façon à la sauce canadienne. Ce qui n’est pas le cas du fromage à pâte ferme Ossau-Iraty.

Le député européen José Bové voit dans cette sélection une discrimination injuste. "Tous ces fromages bénéficient du même statut au niveau de l’Europe. Par conséquent, [ils ne peuvent faire, ndlr.] l’objet d’un traitement différencié dans le cadre d’un accord commercial sans que cela n'entraîne une discrimination des citoyens européens”, dénonce-t-il dans son blog.

Pas directement concerné par le développement des marchés, le Syndicat de défense Ossau-Iraty n'a pas encore étudié la question. Sa secrétaire générale Céline Barrère précise tout de même que l'exportation représente une faible quantité. "C'est un débouché qu'il ne faut pas négliger mais beaucoup de metteurs en marché travaillent sur la France", commente-t-elle.

En outre, la reconnaissance des AOP à l’étranger n’est pas son cheval de bataille de la Confédération Paysanne. "Cela crée un marché à l’exportation et sert les intérêts des plus productivistes d’entre nous. L’agriculture est là pour alimenter les gens, pas pour conquérir des marchés", clarifie Emmanuel Aze, secrétaire national. Il voit également dans ce travers le risque de faire baisser les exigences des cahiers des charges.

Aucune protection à ce jour

L'absence de l'Ossau-Iraty de l'accord ne représente pas de grand changement puisqu'il ne bénéficie d'aucune protection à ce jour. Les Etats d'Amérique du Nord n'ont pas l'habitude de distinguer les indications géographiques et certains voient dans la reconnaissance de quelques AOP une petite victoire vers leur sécurisation.

Un compromis entre les Etats des deux continents s'appuyant sur l'ampleur de l'exportation du produit et le risque d'usurpation, précise le Cnaol (Conseil national des appellations d'origine laitières). Ainsi, le Roquefort se retrouve dans la liste et pas l'Ossau-Iraty. Certains industriels considèrent que dans un contexte tendu de négociations pour le Tafta, entre l'UE et les Etats-Unis, cette reconnaissance aurait été une avancée pour l'avenir.

Fragilisera les filières

Conclu en septembre 2014, l'accord de libre échange sera traité par le Conseil européen dans les jours à venir et le parlement devrait se prononcer en automne. L’AECG a comme objectif "de permettre l’augmentation de nos exportations agricoles, d’abaisser de nombreuses barrières au commerce de nature non-tarifaire, de faciliter des investissements croisés, d’obtenir une meilleure protection de la propriété intellectuelle", détaille le ministère des Affaires étrangères. Une fois validé par les Etats membres, près de 92 % des produits agricoles et alimentaires de l'Union européenne seraient exportés au Canada en franchise de droits.

A l'inverse, les produits canadiens investiront le marché européen. "La reconnaissance des appellations d’origine est un détail que le gouvernement met en avant et qui cache les autres principes du texte. Cet accord permet d’introduire dans l'Union européenne, par exemple, 60 000 tonnes de viande bovine détaxées par an", relève Emmanuel Aze. Il craint une concurrence qui fragilisera les filières bovines et porcines déjà en crise. Plus qu’au Canada, le danger serait donc dans nos territoires.