Argitxu Dufau

Libération de Lorentxa Guimon : le soulagement

Pour la deuxième fois les juges ont accordé la libération conditionnelle à la détenue basque gravement malade, Lorentxa Guimon. Acteurs politiques, syndicaux ou issus de la société civile, tous ont exprimé leur soulagement. Mais n'oublient pas que le combat doit se poursuivre.

La nouvelle a été annoncée sur les lieux du rassemblement permanent, place de la mairie, à Anglet. © Maddi Ane Txoperena Iribarren
La nouvelle a été annoncée sur les lieux du rassemblement permanent, place de la mairie, à Anglet. © Maddi Ane Txoperena Iribarren

Lorentxa Guimon sera libérée de la prison de Rennes le 1er mars prochain. Après des mois de mobilisations, et un état de santé aggravé par la détention, la mise en liberté conditionnelle de la détenue basque lui permettra de bénéficier d'un suivi médical et des traitements adaptés aux côtés de ses proches.

Société civile, élus de tous bords et de tous horizons se sont mobilisés pour exiger la libération de la jeune femme, atteinte depuis 1991 de la maladie de Crohn. Manifestations, prises de parole, actions symboliques et rassemblement permanent, la mobilisation fut intense et le soulagement était grand sur place de la mairie d'Anglet, lorsque son avocate a annoncé la nouvelle devant des dizaines de personnes. 

Les juges de la Chambre d'application des peines de la cour d'Appel de Paris ne prennent pas en considération l'appel du procureur, réaffirmant la remise en liberté de Lorentxa Guimon. Cette décision avait déjà était prise en première instance par le tribunal. Si la jeunes femme est libérable depuis 2014, une expertise médicale est venue appuyer sa demande: d'après le dossier et la défense de son avocate, son état de santé est incompatible avec la détention. Les juges ont semblé l'avoir pris en compte.

En acceptant sa mise en liberté conditionnelle, la justice française casse la dynamique de ces dernières années. La décision devrait résonner auprès des dix détenus basques malades libérables sous conditions et dans les tribunaux espagnols.

Un virage pour le processus de paix ? "Bien sûr, je pense que cette date marque quelque chose pour la société, il faut voir toutes les mobilisations qu'il y a eu. C'est une évidence que la nouvelle va être accueillie positivement. Maintenant, nous, devant les tribunaux, ce n'est pas ce que nous vivons actuellement.

Nous n'avons pas du tout de prise en compte du changement politique dans les décisions. En tous cas au niveau de l'application des peines, des condamnations… Même si au niveau de l'instruction je pense qu'il y a peut-être une vision différente", a déclaré l'avocate de Lorentxa Guimon, Maritxu Paulus Basurco.

Réactions au Pays Basque Nord

Les réactions au Pays Basque Nord ne se sont pas faites attendre. "Je suis heureuse pour elle et sa famille. J'ai eu raison de faire confiance en la justice", a déclaré la sénatrice socialiste Frédéric Espagnac. Si elle tient à souligner que "la justice est indépendante" dans l’État français, elle affirme faire confiance au nouveau ministre de la Justice française. Elle remarque "que les choses évoluent" et rappelle la décision de la justice espagnole concernant 35 militants abertzale. "Les choses se font en silence mais nous ne sommes pas dans de l'immobilisme", conclut-elle.

Même sentiment de confiance en la justice française pour la députée socialiste Colette Capdevielle. "Je suis satisfaite car il s'agit de l'application de la loi. Elle pourra à présent se soigner. La décision est importante car la question des détenus est cruciale dans le processus de paix".

Très impliquée dans la campagne pour la libération de la jeune femme, Sylviane Alaux, députée socialiste, s'est montrée satisfaite de la décision : "Je suis heureuse pour elle, sa famille, parce que je suis moi aussi une maman. Sur le plan politique, nous sommes de plus en plus nombreux à demander la mise en œuvre réelle d'un processus de paix". Pour elle, même s'il est parfois difficile d'en percevoir les avancés, "aujourd'hui, il est évident qu'un pas a été fait".

Quant aux conséquences pour les autres détenus basques malades, "on pourrait penser que cela peut ouvrir la porte, mais je ne m'aventurerai pas jusque-là. Je souhaite que ce soit le cas, sans pour autant l'affirmer, et je pense que nous sommes nombreux à l'espérer".

"Elle méritait un regard particulier"

Le sénateur et président du conseil Départemental (Modem) Jean-Jacques Lasserre considère la libération de L. Guimon comme "une excellente chose. Parmi toutes les personnes privées de libertés, elle méritait un regard particulier. (...) Lorsqu'il le veut, le gouvernement entend".

"C'est un grand soulagement, même si cette décision relève de la logique. Je ne comprend pas comment elle n'est pas arrivée plus tôt" réagit à chaud la conseillère régionale Europe Ecologie les Verts (EELV) Alice Leiçiagueçahar. Concernant la nouvelle étape que pourrait représenter cette libération dans le processus de paix, elle "reste un peu sceptique. " Les choses se font à force de faire pression. Il faut rester vigilant, la mobilisation doit continuer". Elle rappelle que d'autres détenus malades, basques ou non, se trouvent actuellement dans des situations de détresse.

Le maire d'Anglet, commune d'où est originaire Lorentxa Guimon, dit avoir "accueilli le mieux possible le rassemblement permanent". Il s'est montré "satisfait" de la décision de justice. Au nom du mouvement pour la paix au Pays Basque Bake Bidea, Anaiz Funosas s'est dite "heureuse pour Lorentxa et sa famille, même si la nouvelle arrive tard". Elle n'oublie pas le chemin qui reste à parcourir : "Il faut continuer le travail entamé il y a plusieurs années, jusqu'à la paix et le retour de tous les détenus et réfugiés auprès de leur famille".

"Le signe donné est bon, il est le fruit du travail et de l'accumulation des force de nombreux individus". Elle aussi rappelle que dix autres détenus basques malades dorment encore en prison, et que des mesures d'exception sont appliquées.

Présent à Anglet, le militant abertzale, Gabi Mouesca s'est exprimé ainsi : "La première réaction est le soulagement. [Lorentxa Guimon] vivait un calvaire et le terme n'est pas excessif, sa famille a subi une épreuve terrifiante". Il tient à souligner la "dimension de solidarité au Pays Basque, en Bretagne et au-delà. En ces temps où l'actualité n'est pas joyeuse, on ne peut que se réjouir de ces actes de solidarité".

Des syndicats satisfaits

Les syndicats se sont eux aussi réjouis de cette décision. Dans un communiqué, la CFDT Pays Basque a salué la décision de justice et a affirmé sa volonté de "mettre un terme à cette double peine qu’est l’éloignement des prisonniers basques de leur famille". Le syndicat dit souhaiter que le "gouvernement et le Parquet s'émancipent de la position rigide de l'Etat espagnol, réfractaire au processus de paix".

"Cela prouve une fois de plus que la mobilisation est indispensable. Les syndicats doivent continuer à agrandir le rapport de force jusqu'à la libération de tous les prisonniers politiques basques et le déblocage de la situation", a déclaré Eñaut Aramendi, du syndicat LAB. EH Bai a aussi affiché sa satisfaction sur les réseaux sociaux.

Une nouvelle mobilisation est prévue le 9 avril prochain, à Saint-Jean-de-Luz pour demander la libération des détenus basques conditionables. Dans un communiqué, l'association de familles et proches de détenus basques, Etxerat, appelle à y prendre part. Etxerat se réjouit de la libération prochaine de L. Guimon mais rappelle le long chemin parcouru. L'association salue aussi la dynamique du collectif Bagoaz.

Lorentxa Guimon sera libérée la semaine prochaine. Après avoir gagner le combat pour sa libération, elle pourra se consacrer pleinement à celui contre la maladie.