Justine Giraudel

Pas touche à mon IVG

Début janvier, le planning familial de Bayonne fermait ses permanences. Au même moment, le diocèse de Bayonne ouvrait son centre d'accueil et Monseigneur Aillet se défoulait sur les réseaux sociaux. Le combat pour le droit des femmes à disposer de leur corps n'est pas prêt de s'éteindre.

© Gaizka Iroz
© Gaizka Iroz

Mercredi 27 janvier la députée Colette Capdevielle interpellait la ministre de la Santé sur les bancs de l'Assemblée nationale. Toutes deux ont réitéré la nécessité de maintenir le combat pour le droit des femmes à disposer de leur corps. Car si le remboursement à 100 % des actes liés à l'intervention volontaire de grossesse sera effectif à compter du 1er avril, le danger guette sur les réseaux sociaux et le terrain. L'exemple bayonnais de la fermeture du planning familial et l'ouverture d'un centre "pro-vie" soutenu par le diocèse de Monseigneur Aillet, figure des anti-avortement, en est la parfaite illustration.

"Notre pays connaît des attaques sexistes que l'on croyait révolues" a ouvert Colette Capdevielle,  en écho au tweet de l'évèque de Bayonne fermement condamné par la ministre Marisol Touraine au cours de ses vœux. Le 12 janvier, Monseigneur Aillet se permettait un parallèle honteux entre les dernières mesures du gouvernement sur l'IVG et les crimes de Daesh. Une provocation commentée avec brio dès le lendemain par l'humoriste Sofia Aram, sur la matinale de France Inter.

Douze jours plus tard, l'évèque enfonçait le clou.

Dématérialisée, la bataille pour le droit des femmes se heurte au "pullulement de sites de désinformation", ont rappelé d'une même voix la ministre, la députée et l'humoriste. A l'heure où Internet devient le premier confident, la recherche de l'acronyme sur une barre de recherche est édifiante : le site "pro-vie" ivg.net se fraye à la première place, détrônant celui du ministère. Tapies dans l'ombre, les forces conservatrices ferraillent.

Le planning ferme, le diocèse ouvre

Sur le terrain l'inquiétude se fait aussi sentir. Début janvier, le planning familial de Bayonne fermait ses permanences par manque de bras, en toute discrétion. Les bénévoles, accueillies gracieusement chaque semaine une demi-journée au CCAS de Sainte-Croix, à Bayonne, et une autre à la Maison pour tous d'Anglet, auront finalement dit stop à l'absence de locaux fixes. Au même moment, l'accueil Louis et Zélie a ouvert ses portes. Sobrement présenté comme "un centre d’orientation familiale qui a pour objectif d'accompagner chacun, homme ou femme, dans toutes les situations délicates et importantes de la vie", il est directement relié au diocèse de l'évèque ultra-conservateur.

Si la procédure d'IVG du Centre de planification de la côte basque roule, comme l'ont confirmé infirmières scolaires et directrice du planning familial de Pau, la disparition de l'antenne bayonnaise serait un coup terrible porté aux droits des femmes. Le rôle premier de l'association est le travail d'information et de sensibilisation sur les questions de sexualité, de couples, de contraception… Et ce auprès de tous les publics, dont les scolaires.

Elle était aussi chargée d'accompagner les mineures souhaitant se diriger vers des cliniques privées pour un avortement, ou d'orienter et de soutenir les femmes dont le délai légal était dépassé, explique Sandrine Heckmann, directrice de l'antenne paloise.

Maintenir sa vigilance

La semaine dernière, elle rencontrait une quinzaine de "bonnes volontés" mobilisées pour maintenir l'activité sur Bayonne, par l'intermédiaire de C. Capdevielle. Réorganisation et formation sont à l'ordre du jour, avant que la ré-ouverture des permanences puisse être envisagée, manifestement corrélée à l'attribution de locaux à temps complet.

Si le travail est en cours, le planning familial souhaite maintenir sa présence sur la côte basque : le 8 mai sera projeté un film sur le droit à l'avortement, un colloque sur les stéréotypes des genres sera organisé par la suite, en juin. "Il est indispensable, dans le contexte local actuel, de ne pas laisser la seule parole aux forces réactionnaires", soutient la directrice, assurant de sa vigilance.

C'est un fait. Quarante ans après le vote de la loi Veil, la liberté des femmes à disposer de leur corps est toujours bousculée.