Justine Giraudel

Nouveau virage pour le ministère de la Justice

Christiane Taubira démissionnait, mercredi 27 janvier, remplacée dans la foulée par le député breton Jean-Jacques Urvoas. A n'en pas douter, les cartes du ministère de la Justice sont rebattues.

J-J. Urvoas est un défenseur de la Charte européenne des langues régionales.
J-J. Urvoas est un défenseur de la Charte européenne des langues régionales.

Le départ de la garde des Sceaux n'aura pas surpris Sylviane Allaux. "Chevènement le répétait : quand on est au gouvernement, soit on ferme sa gueule soit on le quitte." Et manifestement, Christiane Taubira ne comptait pas passer sous silence la déchéance de nationalité et le projet de prolongation de l'état d'urgence, portés par la réforme constitutionnelle de la rentrée et pierre d'achoppement de son mandat au ministère de la Justice.

Désavouée le 23 décembre par le Premier ministre, celle qui était convaincue de la disparition de la déchéance de nationalité avait été clairement "dé-saisie du dossier", commente la députée basque. Un dossier principalement porté par le Premier ministre et dont le nouveau garde des Sceaux pourra facilement se faire l'étendard. Depuis mi-janvier, Jean-Jacques Urvoas a navigué du poste de rapporteur de la loi Renseignement, à celui de rapporteur de la loi de prolongation de l'état d'urgence et de président de la Commission des Lois chargée d'en assurer le contrôle parlementaire.

Sylviane Allaux s'interroge, non pas sur les compétences ni la carrure du Breton, mais sur ses capacités d'écoute, point fort de sa prédécesseur. "A chaque fois que j'ai eu à travailler sur un sujet avec Mme Taubira, qui était une femme très ouverte à tous les députés, j'ai toujours trouvé une écoute, une oreille attentive. Elle faisait ensuite ce qui lui semblait pertinent, en tant que ministre d’État. Mais aurons-nous cette oreille avec M. Urvoas ? Très sincèrement, l'Histoire nous le dira."

Au centre de ses interrogations et d'une part de ses interactions avec le ministère de la Justice, la question des détenus basques et de leur rapprochement. "J'ai bien conscience d'être députée de l'Assemblée nationale, mais chaque député a une sensibilité propre à son territoire. Personnellement, l'état d'urgence, la déchéance de nationalité… je regarde toujours cela par le prisme de notre territoire." Elle appelle ses homologues à prêter toute leur attention sur ces points.

Le fait que le député du Finistère ait pu attribuer une part de sa réserve parlementaire à l'Observatoire international des prisons (OIP) ne serait-il pas de nature à la rassurer ? "Je le dis souvent, comme Saint Thomas je demande à voir les faits. Etre député et accorder sa réserve parlementaire est une chose, être garde des Sceaux en est une autre."

Jean-Jacques Urvoas, un expert de la question des détenus ?

Interrogé lui aussi sur la nomination de J-J. Urvoas, Gabi Mouesca, ancien président de l'OIP, a confirmé qu'il "fait partie des cinq ou six députés français qui connaissent le mieux la question pénitentiaire. C’est un homme extrêmement actif", quand il décrit sa prédécesseur comme "quelqu'un possédant l'art du verbe. Le problème c'est qu'elle n'avait pas été nommée ministre de la Culture, mais ministre de la Justice."

"En politique, rien n'arrive par hasard", disait Roosevelt. Le Huffington Post pare ce proche de Manuel Valls de la vertu diplomatique et de la connaissance procédurale nécessaires pour permettre l'émergence d'un consensus entre gauche et droite sur les questions sécuritaires. Car comme Christiane Taubira et le Mariage pour Tous, la nomination du nouveau garde des Sceaux répond avant tout à l'actualité chaude.