Bénédicte Saint-André

Ehpad d'Hasparren : des syndicats lancent l'alerte

Les syndicats LAB et CGT réunis devant la maison de retraite Larrazkena d'Hasparren dénoncent un manque de moyens inhérents aux EHPAD qui auraient des conséquences dramatiques sur les résidents et les employés. Beñat Inchauspe, le président du conseil d'administration de l'établissement, par ailleurs maire de la commune, et la directrice Laurence Miossec, directement mis en cause, parlent d'allégations mensongères. Une animatrice ayant dénoncé un certain nombre d'agissements a été relaxée au pénal le 17 novembre dernier.

De gauche à droite, Eñaut Aramendi de Lab, Marie-Gracie Hiriart et Jean–Louis Dupin de la CGT.
De gauche à droite, Eñaut Aramendi de Lab, Marie-Gracie Hiriart et Jean–Louis Dupin de la CGT.

L'animatrice de l'EHPAD d'Hasparren a été relaxée dans le procès qui l'opposait à sa direction. Concédant une grande maladresse dans ses dénonciations pour mauvais traitements, LAB et CGT pointent un manque alarmant de moyens ainsi qu'un conflit d'intérêts au sein de l'établissement. A cet égard, l'affaire judicaire serait l'arbre qui cache la forêt, selon les syndicats. Le maire d'Hasparren, président du conseil d'administration et la directrice de la structure dénoncent des règlements de comptes personnels et une tentative de déstabilisation.

Le "corbeau". Après 38 ans de carrière dans la fonction publique hospitalière, Marie-Gracie Hiriart regrette d'en être réduite à cela. C'est pourtant ainsi que la désigne sa direction. Car de manière anonyme et prétendant agir au nom de l'équipe soignante, elle a dénoncé des actions de maltraitance au sein de l'Ehpad qu'ils jugent montées de toute pièce.

"Le terme et la manière peuvent paraître maladroits", admettent les syndicats, mais selon eux ils n'enlèvent rien à la gravité des faits. Ils en veulent pour preuve la constitution "d'un collectif d'une trentaine de familles en avril 2015" ainsi qu'un dossier de 33 pages, auquel la rédaction a eu accès et qui compile des témoignages d'entourage sur une réalité crue, jugée inacceptable par les syndicats.

La première lettre envoyée avec accusé de réception date de 2012. S'adressant à la directrice, Madame Miossec, une fille de résidente parle "d'un personnel esseulé qui a peur des représailles". Une autre dénonce la découverte d'un ongle incarné sur des pieds noirs et sales. Une autre encore datant de 2015 traite d'une surfacturation de la part d'un médecin avec deux passages de carte vitale pour une seule visite. La directrice a haussé les épaules, évoquant la toute-puissance des médecins est-il écrit. 

Maltraitance passive

"Ce dossier a été présenté en commission disciplinaire, explique Eñaut Aramendi. Ils ont refusé de le prendre en compte parce qu'il n'avait pas été inscrit à l'ordre du jour en amont. Mais ils ne peuvent pas dire qu'ils ne sont pas au courant", s'emporte-t-il. L'avocat de la direction, Jean-Marc Chonnier, précise, lui, que la pièce n'a pas été citée au pénal.

"Quand on parle de maltraitance, il s'agit de maltraitance passive", nuance ensuite le représentatnt syndical. "Le visiblement propre est maintenu. Mais les chutes ne sont pas toutes répertoriées et on lave ce qui dépasse des draps par exemple". "Dans une société qui se vante de l'allongement de l'espérance de vie, il est important que les professionnels de santé se positionnent en bouclier face à une vision technocratique et financière du soin", complète Jean–Louis Dupin de la CGT. Ce dernier précise que le manque de moyens concerne également les trois sites de l'EHPAD du centre hospitalier bayonnais.

Pressions permanentes

Pour la directrice Laurence Miossec, ni Lab ni la CGT ne sont élus dans son établissemnt, elle n'a donc pas à traiter avec eux. Trois employées, sous couvert d'anonymat, précisent alors qu'elles se sont tournées vers ces syndicats parce que "ceux de la structure sont pieds et poings liés avec la direction. Christian Heuga, par exemple est délégué FO et conseiller municipal. Nous sommes en plein conflit d'intérêts. Jean Lacoste est président de la commission administrative paritaire, il est aussi élu au Conseil départemental, l'un des principaux financeurs de l'EHPAD". Elles dénoncent également des pressions permanentes et prétendent que Beñat Inchauspe les "aurait menacées de porter plainte si elles dénonçaient quoi que ce soit".

Une version que réfute formellement l'intéressé, précisant que son avertissement portait uniquement sur des propos diffamatoires : "J’ai indiqué en accord avec la directrice que la maison de retraite porterait systématiquement plainte face à de tels agissements, et déclencherait des procédures disciplinaires et judiciaires le cas échéant, si les contrevenants étaient confondus. J’ai également demandé à l’ensemble du personnel de se remettre au travail après ces réunions, en leur précisant que la priorité était à la présence et aux soins auprès des résidents, pendant les heures de travail, et non aux commentaires sur cette affaire en ces lieux".

Ne pas en rester là

Il s'engage par ailleurs à adresser nommément une réponse circonstanciée à chaque salarié. L'initiative soulève des sarcasmes côté syndicats, qui ont saisi l'édile à plusieurs reprises et dont les invectives sont jusqu'alors restées lettre morte.

Car si au pénal, l'animatrice a été relaxée, ils n'entendent pas en rester là et exigent la prise en considération de leurs griefs. Selon Maître Chonnier, l'ARS ne s'est pas saisie du dossier "parce qu'il n'y avait rien. Si ce qu'elle disait était vrai, il s'agit d'un délit, l'ARS ne l'aurait pas laissé passer. Ici, nous avons affaire à une employée frustrée, peu considérée par la direction et qui a souhaité se venger".  Au contraire, disent les syndicats, "l'enquête n'a pas eu lieu car elle s'est arrêtée sur la forme, anonyme. Nous exigeons désormais des réponses sur le fond".