Bénédicte Saint-André

Verdict de N.Bonnemaison : les deux parties soulagées

Le 24 octobre, après six heures de délibéré, l'ex-urgentiste Nicolas Bonnemaison a été condamné à la peine de deux ans d'emprisonnement avec sursis. La culpabilité a été retenue pour un seul des sept cas, celui de Françoise Iramuno.

Nicolas Bonnemaison, qui risquait la réclusion criminelle à perpétuité, a été condamné à deux ans d'emprisonnement avec sursis. © Gaizka Iroz
Nicolas Bonnemaison, qui risquait la réclusion criminelle à perpétuité, a été condamné à deux ans d'emprisonnement avec sursis. © Gaizka Iroz

La cour de Maine-et-Loire a considéré que Nicolas Bonnemaison avait "intentionnellement" donné la mort à Françoise Iramuno et l'a condamné à deux ans d'emprisonnement avec sursis. La culpabilité n'a pas été retenue dans les six autres cas.

La cour a retenu trois éléments pour caractériser l'homicide de Françoise Iramuno, femme de 86 ans, admise dans le service d'urgence de courte durée dans un état de coma profond suite à un accident vasculaire cérébral : un décès survenu très rapidement après l'injection, une équipe soignante non consultée qui dénonce collectivement les agissements du médecin, et l'absence de concertation de la famille.

Une accusation illisible sur le plan judiciaire

Pour autant, l'accusation apparaît illisible d'un point de vue strictement judiciaire. Que pèsent deux ans de sursis au regard du crime d'empoisonnement ? Pourquoi ne pas avoir retenu la culpabilité dans le cas où le médecin a procédé à une injection de Norcuron, un curare qui n'est pas autorisé en matière de sédation ? Ces interrogations persistent malgré le "soulagement" évoqué par le médecin à la sortie du tribunal. "Il est acquitté pour six cas sur sept, je dis qu'on a gagné aux points", avance maître Benoît Ducos-Ader.

De prime abord, la sanction a d'abord tenu compte de l'avis des familles, dont la subjectivité ne peut pourtant pas faire loi selon les soutiens du médecin. L'urgentiste avait utilisé du curare sur Marguerite Buille. Le fils de cette dernière, aujourd'hui décédé, avait témoigné à Pau lors du premier procès en faveur du médecin, soulignant son humanité. Il avait précisé avoir demandé lui-même à Nicolas Bonnemaison de ne pas faire subir à sa mère d'acharnement thérapeutique. Dans ce cas, la culpabilité n'a pas été retenue.

Un gâteau au chocolat qui fait fausse route

A contrario, concernant Françoise Iramuno, le fils de la victime, également "soulagé" par le verdict, avait déclaré à la barre : " Je l'aurais compris s'il me l'avait expliqué". En outre, ce qui a surtout choqué dans ce cas, c'est le pari fait par le Docteur Bonnemaison sur la mort imminente de sa patiente. Le médecin avait en effet parié un gâteau au chocolat avec un infirmier qu'elle ne serait plus là le soir-même.

Sorti du contexte hospitalier et du huis-clos des transmissions, la phrase porte évidemment des relents cyniques. Et il est difficile pour les proches d'accepter l'humour noir dans des circonstances aussi tragiques. C'est pourquoi N. Bonnemaison a regretté sa diffusion à la barre. Pour autant, nombreux sont les médecins venus expliquer cette  "soupape de décompression" qui permet parfois de dépasser les difficultés de la fin de vie.

Si N. Bonnemaison a confié ne pas avoir voulu imposer aux familles et à l'équipe soignante la responsabilité de tels choix, il se dit aujourd'hui conscient des erreurs protocolaires qu'il a commises et admet l'extrême maladresse de son pari. "J'ai pêché à l'évidence par manque de communication", concède-t-il.

Des institutions sauvées?

C'est donc un verdict incertain, en demi-teinte, qui condamne la manière, mais ne lève aucun malentendu sur la fin de vie. Au contraire, il en contient toutes les incertitudes rappelant la "main tremblante" évoquée à la barre par M. Delaunay. La victime allait mourir, "son tableau clinique était catastrophique" avait précisé le médecin. On retiendra ainsi au pénal une condamnation minimale, comme "pour sauver certaines institutions", a déclaré dans une larme sa femme médecin, à ses côtés. Des propos confirmés par maître Ducos Ader : "On a voulu sauver l'institution judiciaire et peut-être un peu l'establishment ordinal. Tout cela est un peu pitoyable!"

Il est peu probable que N. Bonnemaison se pourvoie en cassation, selon son autre avocat Arnaud Dupin. D'abord, ce troisième épisode judiciaire sous-entendrait un défaut formel de procédure, une éventualité qu'Anne Leprieur, présidente de la cour d'assises du Maine-et-Loire, a dû prendre soin d'écarter. Et une possibilité qui ne serait de toute façon pas saisie par N. Bonnemaison qui a "envie de tourner la page". Pour autant, comme il l'a rappelé avant le verdict : "La médecine, c'est ma vie". Le réexamen de son dossier par le Conseil de l'Ordre pourra avoir lieu en juillet 2017. C'est vers cette perspective que se tournent aujourd'hui ses nombreux soutiens.