Argitxu Dufau

Loi bâillon en projet : l'Espagne muselle déjà une journaliste basque

Le projet de "loi organique de sécurité citoyenne" espagnol, plus connu comme la loi "bâillon", a été voté par le Congrès et est actuellement en discussion au Sénat. Très critiquée, la loi prévoit notamment une réduction de la liberté d'expression. Liberté d'expression déjà malmenée par l'Espagne qui jugera une jeune journaliste, Iraitz Salegi, du site d'information Topatu.info pour "apologie au terrorisme" lorsqu'elle couvrait un rassemblement politique de jeunes.

Iraitz Salegi journaliste à Topatu.info risque un an et demi de prison
Iraitz Salegi journaliste à Topatu.info risque un an et demi de prison

La jeune journaliste Iraitz Salegi sera jugée en mai prochain en Espagne pour "apologie du terrorisme". Le procureur a requis contre elle un an et demi de prison.

Ce qui lui est reproché ? Avoir couvert un rassemblement politique, Gazte Danbada, organisé par l'organisation de jeunes de gauche abertzale du Pays Basque Sud Ernai, en mars 2013, à Urduña. Elle a couvert l'événement pour le site d'information Topatu.info, tout comme d'autres médias.

Moins d'un mois après la marche républicaine à Paris en réaction à l'attentat contre Charlie Hebdo, dans laquelle Mariano Rajoy, chef du gouvernement espagnol, défilait en tête de cortège, une dynamique s'est mise en place au Pays Basque pour dénoncer ce manque à la liberté d'expression et de la presse. A ce jour, près de 400 journalistes, étudiants en journalisme et photographes ont signé un manifeste dénonçant le procès de la jeune femme sur le site "kazetaritza ez da delitua".

Ce slogan est aussi énormément repris sur les réseaux sociaux où circulent des photos de journalistes avec leurs outils de travail à la main (ordinateurs, crayons, appareils photo...) et la bouche bâillonnée en référence à la loi dite "bâillon" en discussion au Sénat espagnol cette semaine.

"Fautes très graves"

Ce projet de loi, porté par le gouvernement Rajoy, a été voté par le Congrès espagnol en décembre dernier, le Parti Populaire (PP) ayant la majorité absolue. Il est en discussion cette semaine au Sénat espagnol. S'il est à nouveau voté, il entrerait en vigueur dans les prochains mois. La "loi organique de sécurité citoyenne" cible, entre autres, les manifestants. Elle prévoit des amendes pour les participants à des manifestations ou réunions dans des installations publiques non autorisées. Cela relèverait de la catégorie des fautes "très graves", passibles d'une amende allant de 30 000 à 600 000 euros.

La loi introduit également une sanction pour tout "manque de respect et de considération" vis-à-vis des forces de l'ordre et interdit par exemple de filmer des violences policières contre des manifestants.

Cinq rapporteurs de l'ONU ont dénoncé les dérives de ce projet de loi qui serait "un manquement aux droits fondamentaux". Des manifestations ont également eu lieu aux quatre coins de l'Espagne.

Autre caractéristique : des délits punis par le code pénal deviennent des fautes administratives. Ce qui signifie que les amendes sont aussi administratives et il n'ait plus besoin de passer devant un juge. L'administration et la police prennent tout en charge, sans avocat ni défense.