Antton Etxeberri

Des obstacles sur la voie de la paix

Antton Etxeberri (Sylvain SENCRISTO)
Antton Etxeberri (Sylvain SENCRISTO)

L'opération de la Garde Civile contre les avocats du Pays Basque intervient à un moment bien particulier. Deux jours après la très importante mobilisation de la société basque à Bilbo qui réclamait une nouvelle fois l'arrêt de la dispersion des prisonniers basques, le gouvernement espagnol a souhaité répondre de manière directe, en s'attaquant à la défense de ces prisonniers.

Le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, défilait dimanche dans les rues de Paris, auprès du président français François Hollande, pour défendre la liberté d'expression et de la presse. Comment peut-on justifier la présence du chef du gouvernement espagnol à cette manifestation ? N'est-ce pas un gouvernement dans lequel Rajoy était ministre qui a fermé des organes de presse, arrêté et emprisonné ses dirigeants, qui pour certains ont dénoncé des tortures ? La présence de Mariano Rajoy à Paris dimanche relève d'une hypocrisie et d'un besoin de récupération démocratique : elle représente plus une insulte à ceux qui défilaient pour la liberté d'expression.

Le lendemain même de cette manifestation de Paris, l'Etat espagnol ouvre un procès contre 35 citoyens du Pays Basque, qui ont pour seul tort de défendre leurs idées politiques de manière publique. Parmi eux, deux ont la nationalité française, Haizpea Abrisketa et Aurore Martin. Celles-ci se retrouvaient donc convoquées dans un procès sans leur propre avocat, comme 17 autres accusés. La démocratie défendue par Rajoy. Les juges espagnols n'ont eu finalement d'autre choix que de suspendre le procès.

L'arrestation de ces avocats intervient également à la veille d'une décision importante : le Tribunal Suprême espagnol doit rendre ses conclusions concernant une décision du Conseil de l'Europe à l'Etat espagnol. En effet, la justice européenne estime qu'un condamné qui a accompli une peine de prison dans un Etat européen (ici en France) doit se voir décompter ces années de prison de la peine totale infligée dans un autre pays européen (ici l'Espagne).
La justice espagnole qui devrait suivre la décision du Conseil européen (celle-ci étant prioritaire), quelques dizaines de détenus devraient être libérés immédiatement. Les arrestations de ce lundi interviennent donc dans cette ambiance, et n'ont d'autre but que d'influer sur les magistrats espagnols qui doivent se retrouver mardi pour prendre leur décision. En effet, ce débat de libérer ou non les condamnés qui ont purgé leur peine, a été forcé par le gouvernement espagnol, et a créé une forte division entre les juges espagnols.

Depuis plus de trois ans, le Pays Basque travaille à la mise en place d'un processus de paix. Les gouvernements français et espagnol n'y ont jusqu'à présent répondu que par la répression et le déni. Le procès des 35 de Batasuna à Madrid, celui de Paris le 21 janvier contre Intza Oxandabaratz, l'arrestation de nombreux avocats... Autant d'éléments qui souhaitent entraver la volonté des habitants du Pays Basque de parvenir à la paix.