Goizeder TABERNA

Les Artisans de la paix clament l’urgence

Les manifestants réunis à Paris ce samedi 9 décembre ont voulu lancer un message fort au gouvernement français, résolus à poursuivre le mouvement et mener à son terme le processus de paix.

Malgré la coïncidence avec des événements hautement plus médiatisés, la manifestation en faveur des prisonniers basques a résonné dans Paris. Les cloches des joaldun ont bien sûr retenti dans les avenues du centre ville. Mais au-delà de la présence de milliers de Basques, la manifestation a amené des personnalités et des organisations politiques jusque-là absents à prendre position. Mais les Artisans de la paix, organisateurs de la manifestation, ne baissent pas la garde. L’unité, la constance et la persévérance, c’est l’image qu’a laissé la manifestation de Paris. C’est aussi leur voeu pour l’avenir.

"Restons unis et poursuivons sur le chemin de la paix", a lancé le président de la Communauté Pays Basque Jean-René Etchegaray depuis l’estrade. L’union était celle de la diversité. Différents représentants de partis de gauche, du Parti socialiste au NPA, en passant par la France Insoumise et Europe Ecologie Les Verts, et les principaux élus du Pays Basque toutes couleurs confondues se sont cotoyés derrière la banderole "Paix en Pays Basque : et maintenant les prisonniers". Un représentant du mouvement du président français La République en Marche, Xabi Harispe, était également présent au nom des instances locales des Pyrénées-Atlantiques. Une position de laquelle les instances nationales françaises sont informées.

Mais les soutiens affichés, les promesses glissées autour d’une table, ne suffisent pas. "La parole n’a de sens que si elle produit des actes", a déclaré sur l’estrade Michel Tubiana, le président d’honneur de la Ligue des droits de l’homme et Artisan de la paix. Reste à savoir si les propos tenus par le porte-parole de la chancellerie ce samedi seront suivis d'effet.

Porte-parole du ministère

"Nous n'avons pas d'opposition de principe aux demandes de rapprochement des détenus basques à partir du moment où les demandes sont faites dans un cadre individuel" a expliqué à l'AFP Youssef Badr, porte-parole du ministère. "Il y a un dialogue constructif", selon lui. Le Monde quant à lui affirme de bonne source que "plusieurs demandes de rapprochement ou de changement de statut carcéral pourraient recevoir une réponse favorable dans les prochaines semaines".

En attendant, les Artisans de la paix sont circonspects. Ne voyant pas de changement dans le traitement des prisonniers basques, Michel Tubiana constate : "Visiblement, les gouvernements n’ont pas encore pris la mesure du changement intervenu." Même impatience du côté de Jean-René Etchegaray qui est conscient que le chemin de la paix est long, mais qui trouve qu’à ce stade, il l’est trop. Il attend de l’Etat un engagement formel. Et Michel Tubiana d’appuyer : "Nous ne voulons pas que dans 10, 20 ou 30 ans, on en soit encore à ressasser les conséquences d’une violence à laquelle chacun a renoncé. Nous disons avec force, les gouvernements espagnol et français doivent changer d’attitude."

La réalisatrice et fondatrice du mouvement de la Fraternité générale, Fabienne Servan-Schreiber, a également pris la parole pour défendre "une vision de l’avenir en commun basée non pas sur des logiques mortifères mais sur des bases fécondes". Ses propos ont fait écho au témoignage de Joana Haramboure, la fille du prisonnier Txistor Haramboure. Elle a raconté le cauchemar que continuent à vivre les proches des prisonniers, malgré le désarmement d’ETA, malgré les contacts tenus entre le gouvernement et la délégation du Pays Basque ces derniers mois.

"Nous les voulons vivants et à la maison"

Des conditions d’incarcération, une dispersion et des refus de demande de libération conditionnelle qui vont à l’encontre des droits fondamentaux, selon J. Haramboure. "Le respect des droits de tous est vital. La résolution de la question des prisonniers et des exilés politiques est vitale. C’est pourquoi ici, au coeur de Paris, nous disons avec force : nous les voulons vivants et à la maison", a lancé la jeune femme au micro. Comme un cri d’espoir qui cache un certain désespoir.

"Nous savons que les Etats français et espagnol ne vont pas nous faire de cadeau", affirme-t-elle alors qu’elle tient la banderole, les Artisans de la paix à sa gauche, les élus à sa droite. La mobilisation de la société civile donne de l’espoir à son père. Mais le quotidien, lui, lui rappelle qu’il n’est toujours pas sorti "du tunnel dans lequel il est entré il y a près de trente ans".

Et face à l’absence d’actes ouvrant la voie à la résolution, Michel Tubiana se demande : "Mais peut-être caressent-ils le rêve cauchemardesque d’enfermer l’idée en même temps que les acteurs ?"