Goizeder TABERNA

Les Artisans frappent à la porte du Parlement européen

Elus et représentants de mouvements favorables au processus de paix poursuivent leur travail de sensibilisation et rencontrent des députés européens à la fin du mois. Au coeur des discussions : la situation des prisonniers.

La question basque n'est pas étrangère au Parlement européen, mais cette fois des élus de différents bords porteront la voix de la résolution. @Josu_Juaristi
La question basque n'est pas étrangère au Parlement européen, mais cette fois des élus de différents bords porteront la voix de la résolution. @Josu_Juaristi

Depuis le 10 juillet dernier, les Artisans de la paix poussent des portes. De Bayonne à Bruxelles, le dossier des prisonniers basques s’invite dans les instances représentatives. Après les bureaux des plus hautes institutions de la République cet été, la Communauté d'agglomération Pays Basque puis le Conseil de Paris, le dossier sera présenté au Parlement européen. Une délégation s’y rendra le 28 novembre.

"Je serai avec mes collègues parlementaires du Pays Basque français […] dans la capitale européenne pour rencontrer des députés européens et expliquer la démarche de "vivre ensemble" qui innerve le Pays Basque au nord et au sud de la Bidassoa", annonce le sénateur Max Brisson sur son blog. Il ne sera pas seul. Frédérique Espagnac (PS), Gabi Mouesca (ancien détenu) et Anaiz Funosas (Bake Bidea) sont, pour l’instant, annoncés.

Des rencontres avec des députés de différents groupes parlementaires sont prévues. Le député du groupe majoritaire à l’hémicycle, Alain Lamassoure (PPE), les recevra dans un contexte particulier. L’actualité catalane ne facilite pas les échanges, reconnaît l’élu biarrot, mais l’entretien prévu avec lui est officiel. Ce dernier avait déjà exprimé son soutien au processus, en 2015, lors de la Conférence humanitaire pour la paix au Pays Basque.

Les entretiens auront comme objectif de présenter les tenants et les aboutissants du processus de résolution du conflit depuis la conférence d’Aiete (2011) et plus particulièrement la situation des prisonniers basques. Leur demande de rapprochement sera abordée alors que les parlementaires européens s’étaient positionnés le 5 octobre dernier sur la question de l’éloignement. Ils avaient validé un rapport s’opposant à la dispersion des détenus de droit commun, en général.

Modifier le contexte

Aujourd’hui, les discussions avec l’exécutif français portent sur l’application de la loi en vigueur. Mais Max Brisson ne va pas par quatre chemins : "Il faudra bien sûr aller un jour plus loin, et donc au-delà de l'application du droit commun, en explorant la voie d'un régime transitoire et dérogatoire. Lui seul conduira à une réconciliation définitive à condition aussi que soient prises en compte à cette occasion toutes les souffrances des familles des victimes, sans exception aucune."  

Aussi bien le sénateur biarrot que les autres parlementaires engagés développent ce travail de sensibilisation dans leur entourage. Comme les ondes d’une goutte dans l’océan, ils répandent l’esprit des Artisans de la paix autour d’eux et diffusent des textes défendant le processus dans leurs groupes parlementaires respectifs.

Ce travail de fourmis mené depuis 2011 a permis de modifier le contexte, créer des conditions favorables. Jérôme Gleizes, élu au Conseil de Paris et à l’initiative de la motion votée à l’unanimité, le reconnaît dans un entretien accordé au quotidien Gara : "Sans aucun doute, le travail en commun mené par les élus de divers familles politiques au Pays Basque Nord a été déterminant. Ainsi, ils ont porté la question jusqu’aux plus hautes instances de décision de leur parti, à Paris."

"Cette motion peut servir de base"

Avec deux autres élus de gauche, J.Gleizes a travaillé sur le texte présenté en conseil, convaincu qu’il n’aurait du sens que s’il obtenait l’accord de toute l’assemblée. Pour cela, ils devaient d’abord convaincre l’exécutif municipal et Anne Hidalgo, la maire. Après de longues discussions, le texte remanié, tous les élus se sont joints à l’appel. "Cette motion peut servir de base, d’inspiration pour d’autres initiatives, je pense aux conseils régionaux, par exemple, celui de Bretagne, d’Alsace… et pourquoi pas d’autres villes françaises. C’est sûr, la manifestation du 9 décembre a donné une raison concrète, mais l’esprit du texte est celui de soutenir le processus de paix", estime l’élu parisien.

C’est l’engagement qu’il avait pris, pour sa part, bien avant la conférence pour la paix qui avait eu lieu à l’Assemblée nationale en juin 2015. Cette date a été, selon lui, déterminante : "Cette rencontre avait permis d’offrir un regard global sur le conflit parce qu’elle prenait en compte les témoignages des différentes parties impliquées, de toutes les victimes, et avait tracé un horizon. A l’époque, il manquait de régler le problème de l’arsenal." Mais après le 8 avril, les portes se sont définitivement ouvertes.