Béatrice MOLLE-HARAN

Bertha Gaztelumendi : Il faut briser les cercles du silence, faire respecter ses droits et se défendre

Une architecte, une professeure d’université, une femme de ménage, une secrétaire, une professeure d’espagnol, une auxilliaire de vie, une étudiante, une bénévole… Ce sont les protagonistes du documentaire “Volar”, réalisé par Bertha Gaztelumendi, qui sera projeté ce samedi 25 novembre à 11 heures au cinéma Les Variétés d’Hendaye, dans le cadre de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. Le trait commun de ces femmes est qu’elles sont des survivantes. Toutes ont subi dans leur intimité des violences allant de la maltraitance au viol de la part de leur mari ou de leur compagnon. Violence basée sur le genre au cœur du débat.

Bertha Gaztelumendi explique la genèse de ce documentaire qui a été diffusé pour la première fois au festival de cinéma de Donostia en septembre dernier. Elle est aujourd’hui chercheuse au département de Droits humains et pouvoirs publics à l’Université du Pays Basque, après avoir été journaliste pendant 25 ans, notamment à EITB.

Quel est le fil conducteur de ce documentaire ?

Bertha Gaztelumendi : Ces neuf femmes sont des survivantes et ont réussi à se sortir du cercle infernal de la violence faite aux femmes. Elles n’ont pas été choisies, elles sont volontaires et le documentaire est une commande d’Emakunde (Institut de la femme dépendant du gouvernement basque). Au départ, l’idée était de se dire comment transmettre à la société ce que nous avons vécu. Comment concrètement le relayer : article de presse, radio, télé, et nous avons choisi le documentaire. Nous avons beaucoup travaillé en amont et il faut souligner leur force et leur énergie dans ce long processus de réparation. Car ce n’est pas facile de raconter ce qui se passe dans son espace intime, dans sa famille.

Comment s’est déroulé le tournage ?

B. G. : Ces neuf femmes ont partagé un week-end à la campagne, loin de leurs activités quotidiennes et ont narré leur quotidien antérieur rythmé par la violence dont elles ont souffert. Elles metttent à disposition du public leur expérience afin de donner un sens à cette expérience de vie. Et aider celles qui en souffrent.

L’idée est aussi que ce fléau touche toutes les classes sociales, il n’y a pas de profil type ?

B. G. : Absolument. La violence basée sur le genre peut toucher tout le monde. Cela n’a rien à voir avec les classes sociales, l’origine de chacun. C’est une réalité très crue et il faut briser ces cercles de silence. Les lois votées ces dernières années améliorent les choses mais cela n’est pas suffisant, car ceux qui ont le pouvoir, en général les hommes, l’exercent. Nous vivons toujours dans une société machiste. Et ce qui se passe dans l’intimité est forcément difficile à prouver. C’est parole contre parole. Il faut beaucoup de détermination et de force mais il faut utiliser tous les recours possibles. Et dans ce domaine les associations de femmes et l’appui de la société civile ont un rôle majeur.

Dans l’Etat français et dans nombre de pays, la parole des femmes se libère concernant notamment le harcèlement. D’aucuns critiquent que l’on jette en pâture des noms sans qu’il y ait un jugement. Qu’en pensez-vous ?

B. G. : Comme préalable, il faut bien évidemment respecter la présomption d’innocence. Je pense que c’est un mouvement de libération de la parole très large dans la société et vu le rapport de force et de domination toujours existant, on ne peut mettre en doute la parole des femmes. Car, lorsque l’on parle, c’est toujours la femme qui passe “forcément” pour une folle et qui doit assumer tout cela, mais les choses bougent. Dans ce documentaire, on voit le cheminement de ces femmes. Ce sont des femmes qui s’en sont sorties et qui ont appris à se faire respecter, à se défendre. Et à prendre soin d’elles.

Quel est le rôle de l’éducation ?

B. G. : C’est fondamental, c’est l’apprentissage des droits humains. L’éducation donnée aux filles et aux garçons permet de lutter contre les stéréotypes. Elle n’est toujours pas égalitaire. De plus, une éducation égalitaire peut être mise à bas par des programmes de télévision ou par l’environnement qui possède ses propres codes. Le documentaire termine par un feu où l’on brûle tout le mauvais pour revivre une vie que d’autres ont voulu briser.