Caroline MALCZUK

Produire des plants bio mais ralentir la cadence

Mirentxu Doyenhard et Jakes Bernet sont les seuls à produire des plants bio de légumes pour les professionnels au Pays Basque. Du fait de l'explosion de la demande des consommateurs, depuis 2008, ils ont aujourd'hui une cadence de travail beaucoup trop importante pour eux. Et ont décidé de réduire radicalement leur activité en 2018. Avec des conséquences pour les maraîchers bio du territoire.

Mirentxu et Jakes Doyenhard produisent des plants bio de légumes pour les professionnels, à Saint-Pée-sur-Nivelle. ©Isabelle MIQUELESTORENA
Mirentxu et Jakes Doyenhard produisent des plants bio de légumes pour les professionnels, à Saint-Pée-sur-Nivelle. ©Isabelle MIQUELESTORENA

Consommer des produits bio est devenu une habitude pour sept Français sur dix en 2016*. Sur le podium de ceux qu’ils préfèrent consommer, les fruits et légumes se placent en première position. Du local, de préférence. Mais la demande dépasse désormais l’offre. Au Pays Basque, le cas de Mirentxu Doyenhard et Jakes Bernet, qui produisent des plants de légumes bio pour les maraîchers de la région, à Saint-Pée-sur-Nivelle, ne l’illustre que trop bien.



Croulant sous le travail, ils ont décidé de réduire leur activité à partir de janvier 2018. Depuis cet hiver, ils fournissent à eux seuls 60 clients professionnels, des maraîchers et quelques revendeurs du Pays Basque Nord, de Gipuzkoa et des Landes. Où, de fait, ils sont les seuls à produire des plants de légumes bio pour les professionnels. C’est-à-dire en grande quantité et de façon planifiée.

Avant que Mirentxu Doyenhard ne se lance, il fallait faire venir les plants de… Charente-Maritime ! "Il y avait autant de coûts de plants que de transport. C’est comme ça que le projet a mûri." Après des études agricoles terminées en 2000, intéressée par l'agriculture biologique, elle se forme aux plants bio en 2002 après avoir acquis un terrain de 4 000 m2.

Explosion de la demande

En 2008, la demande en légumes bio a commencé à exploser. Mirentxu Doyenhard, qui comptait six maraîchers parmi ses clients lors de sa première saison en 2004, voit ce chiffre gonfler pour atteindre 15. Puis 28 en 2009. "Tous les ans, 7 à 8 se rajoutaient" indique-t-elle. Autant les particuliers qui viennent sur place prennent ce qu’il y a, autant les maraîchers qui planifient sur l’année ont des contraintes. L’état sanitaire, la quantité et le temps. "Le plant doit être convenable à la date." Résultat, une cadence de production très soutenue. Trop pour Mirentxu Doyenhard et Jakes Bernet qui ont eu un déclic l’an dernier. "Le printemps a été très dur physiquement et nerveusement. On s’est dits : On ne va pas durer jusqu’à 60 ans dans ce métier-là."



Embaucher de la main-d’oeuvre ? Ils s’y sont employés. Depuis 2008, l’exploitation est gérée à deux. Mirentxu Doyenhard a d’abord trouvé un associé puis c’est son mari qui a pris la relève à ses côtés en 2015. Un employé a été embauché pour travailler six mois par an en 2013. Il est passé à plein temps en 2015. Et une personne de plus a été engagée en 2017 pour aider à la gestion. Mais cela ne suffit pas. "Même si on est dix, la pression est la même. Elle est sur nos deux épaules." 



Des aides de l’Etat ? Mirentxu Doyenhard en a bénéficié d’une, relative à l’installation de jeunes agriculteurs, la Dotation jeunes agricultures (DJA), ainsi que d’un crédit d’impôt. Mais "rien de plus". En faisant leurs comptes, elle et son mari ont pris conscience qu’en "supprimant les postes et en diminuant le travail, on gagnerait pareil". Ils ont donc décidé de se séparer de leur main-d’oeuvre et de produire pour les maraîchers bio les plus proches, dans un rayon de cinq à huit kilomètres. Soit sept à huit clients seulement.



Des solutions

Concernant ceux qui restent, ils sont une trentaine au Pays Basque, des solutions sont en réflexion. Pour cela, l’association Biharko Lurraren Elkartea (pour la terre de demain) les accompagne déjà. À court terme, "on a recensé la demande et quelle est l’offre possible au niveau régional" explique Maite Goienetxe, animatrice technique agronomie à BLE. De plus, dès cette année, des formations pour ceux qui veulent commencer à produire leurs plants eux-mêmes sont organisées. Et à moyen et long terme, l'association est à "la recherche de solutions locales".

"Tout le monde a compris notre décision, certains ne l’ont pas digérée", indique Mirentxu Doyenhard. Pour elle, la situation prouve que "la filière maraîchage est très fragile". Elle pense que plusieurs producteurs de plants bio pour les professionnels sont désormais nécessaires par secteur géographique étant donnée la demande. Elle animera une des deux formations proposées par BLE afin d’initier à la production de plants de légumes bio. Car elle veut être "là pour les aider, pour qu’ils rebondissent".

*Selon une étude de l'Agence bio.