Chloé Rébillard

Le Pays Basque entre en résistance contre les compteurs Linky

Depuis quelques mois, les fameux compteurs électriques jaunes Linky commencent à fleurir au Pays Basque. Les opposants à l’installation s’organisent pour éviter aux habitants la mauvaise surprise de voir leur compteur remplacé sans l’avoir choisi. 

Les différents collectifs anti-Linky se sont réunis le 12 juillet devant la mairie d'Ahetze pour alerter sur la pose forcée des compteurs.
Les différents collectifs anti-Linky se sont réunis le 12 juillet devant la mairie d'Ahetze pour alerter sur la pose forcée des compteurs.

Ahetze, petit village perché au-dessus de l’A63, est en état de siège depuis quelques semaines. Ses assaillants, des fourgonnettes siglées "Enedis" (ex-ERDF, entreprise chargée du réseau électrique) et leurs employés qui viennent installer les nouveaux compteurs, patrouillent régulièrement dans le village. Quant aux résistants, des habitants hostiles à ces nouvelles installations, ils se sont constitués en collectif afin de lutter contre l’installation forcée des compteurs Linky par Enedis et ses sous-traitants. 

Ce nouveau "compteur communicant" enregistre la consommation du circuit qu’il alimente toutes les 30 minutes et envoie les informations par ondes électromagnétiques. Les opposants lui reprochent deux défauts majeurs. Le premier est le non-respect de la vie privée puisque des informations sont données presque en temps réel sur la consommation de chaque foyer. A l’heure actuelle, aucune garantie n’a été donnée que cette captation de données ne soit utilisée à des fins de surveillance. 

Principe de précaution

Autre défaut relevé par les opposants, les études sur les conséquences des ondes éléctromagnétiques sur la santé sont ambivalentes. En l’absence de consensus médical, et alors que l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a désigné ces ondes comme étant "potentiellement cancérigènes" (dans une étude datée de 2011), beaucoup voudraient que le principe de précaution s’applique. À l’image de Santiago Capendeguy, conseiller municipal de l’opposition à Ahetze, qui détourne la fameuse expression de Simone de Beauvoir : "On ne naît pas électrosensible, on le devient."

Les opposants réunis à Ahetze lors d’une conférence de presse, hier, mercredi 12 juillet, le martèlent : "Il n’y a aucune obligation à l’installation des compteurs Linky." Un discours contrecarré par Enedis qui, elle, affirme qu’il "n’y a pas de possibilité de refuser le compteur". Contacté par les opposants, le Syndicat Départemental d’Energie des Pyrénées-Atlantiques (SDEPA) aurait tranché en faveur des résistants au compteur : il n’y aurait pas d’obligation à la pose du Linky.  

Intimidation 

Que la possibilité de refus soit offerte ou non aux habitants, il n’en reste pas moins que les méthodes employées par Enedis pour imposer les compteurs sont très agressives : manque de communication, harcèlement, chantage, intimidation, violation de propriété privée… Les griefs des habitants contre l’entreprise sont nombreux.

À Bayonne, une dame a déposé une main courante auprès des services de police pour "intimidation". À la troisième visite de l’entreprise chez elle, et alors qu’elle avait signifié son refus à deux reprises, Enedis aurait envoyé "une armoire à glace" assure Jean-Claude Richard, responsable du collectif Stop Linky Bayonne. Il ajoute : "Elle a beau être frêle, c’est une résistante, mais cela aurait été quelqu’un de plus impressionnable ou de moins informé, le compteur Linky serait déjà installé."

Violation de domicile 

Philippe, habitant d’Ahetze, a lui eu la surprise de trouver un compteur jaune flambant neuf en rentrant au soir du 25 juin chez lui. Le compteur est à l’extérieur de sa maison mais à l’intérieur de sa propriété où il venait de faire installer un panneau propriété privée en prévision de la visite des installateurs. Il avait également pris soin de signifier son refus de l’installation par la médiation d’un huissier, avec l’aide du collectif La plateforme citoyenne d’Ahetze. Auparavant, il avait également reçu une notification de la part d’Enedis lui signifiant que la pose du compteur interviendrait entre le 1er et le 10 juillet. Il prévoyait la pose d’un cadenas pour cette date. Mais les techniciens l’ont pris de cours en passant cinq jours avant la date annoncée et alors qu’il était absent de chez lui.

Dans une note interne à l’entreprise, relayée par la plateforme UFC Que choisir, Enedis a pourtant fait savoir à ses techniciens qu’il y avait violation de domicile "si l’accès est restreint par une barrière physique ou morale (muret, porte fermée à clé, panneau propriété privée)".

Un autre habitant d’Ahetze a lui eu la surprise de se retrouver nez à nez avec un compteur Linky en se rendant dans son garage. Il ne sait ni quel jour les techniciens sont passés, ni comment ils ont pu accéder à son garage. 

Différents collectifs 

Les membres des collectifs sont donc très remontés non seulement contre le compteur mais également contre les méthodes de passage en force d’Enedis et de ses sous-traitants. Vent debout, ils appellent les habitants qui voudraient refuser le compteur à contacter les collectifs qui se sont constitués : la plateforme citoyenne d’Ahetze, le collectif Arbonne, Stop Linky Bayonne, Résistance anti-Linky (pour Saint-Jean-de-Luz et Guéthary), Collectif anti-Linky Anglet. Ils sont également en dialogue avec les élus des différentes municipalités pour faire remonter les diverses violations du droit de la part des poseurs et tenter de faire voter des moratoires sur certaines communes.