Bénédicte SAINT-ANDRE

Izarbel : comment en finir avec le tout-voiture ?

Benjamin Tyl, chercheur en éco-innovation travaille à la technopôle Izarbel…et il est l’un des rares à s’y rendre en bus. Alors que le syndicat des transports de l’Agglomération vient de lancer son plan de déplacements inter-entreprises, il livre son analyse sur la saturation automobile du site, qu’on dit victime de son succès. Des solutions existent, défend-il. Faut-il encore s’en donner les moyens.

Benjamin Tyl © DR
Benjamin Tyl © DR

Le syndicat des transports de l’Agglomération, présidé par Claude Olive a lancé le 6 avril dernier un plan de déplacements inter-entreprises sur le site de la technopôle Izarbel à Bidart. La première phase consiste en un diagnostic des us et coutumes des usagers et les premières actions devront voir le jour pour septembre 2017.  

Quelle est votre analyse sur la situation actuelle du site Izarbel ?

Benjamin Tyl : La voiture y est, soyons clairs, très majoritaire. Le premier problème clairement est celui des transports en commun. Ce qui rebute beaucoup les gens est que les lignes de bus fassent perdre énormément de temps. Je donne des cours à l’Estia, les étudiants me disent ne jamais prendre le bus pour cette raison-là. Comme dans d’autres villes, il faudrait des lignes "express" qui ne s’arrêtent pas à toutes les stations et qui se rendent directement sur le site. Pour que ce soit économiquement viable, il ne faut évidemment pas que ces lignes circulent toute la journée, mais idéalement le matin, le midi et le soir.

Une des grandes urgences est qu’on puisse se rendre directement du centre-ville de Biarritz à la technopôle. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Vous arrivez à la gare, puis vous devez prendre une autre ligne qui fait un grand détour par Pétricot, ce n’est pas du tout attractif. Un ligne express, pourrait partir de Bayonne, faire un arrêt à Biarritz et ensuite arriver à Izarbel directement. Et il faudra aussi penser à rallier Bidart.

Quid du vélo ?
B.T :  Pour moi, c’est le deuxième chantier à mettre en oeuvre, très clairement. Rien aujourd’hui n’est fait pour le vélo. Il y a juste une piste au-dessus du pont qui passe la gare. Elle démarre et s’arrête sur ce pont. C’est totalement inutile. En 2008, nous étions deux à utiliser le vélo. Aujourd’hui, ça monte à une petite dizaine, c’est vraiment très peu. Le syndicat dit que c’est dû à la pluie ou aux montées. Mais en parlant avec les gens, on se rend surtout compte que le problème vient de la sécurité. Pour se rendre à Izarbel, il faut passer par la gare, la nationale et emprunter le rond-point de l’autoroute. Cette zone est vraiment dangereuse, j’ai moi-même eu un accident.

Il faudrait une vraie piste, bien signaler que des vélos peuvent passer. Je connais pas mal de personnes qui, si c’était sécurisé, seraient prêtes à prendre leur vélo. Je travaille dans l’entreprise Apesa, spécialisée dans le développement durable. Notre exemple est d’ailleurs intéressant. Nous étions sur Izarbel et nous venons de déménager sur Tarnos pour la simple et bonne raison que Tarnos nous offrait les conditions de transport très intéressantes d’un point de vue vélo. Tarnos fait partie du syndicat également et on voit clairement qu’ils ont fait un effort là-dessus.

Le syndicat des transports vient de lancer un plan inter-entreprises qui vise entres autres à faciliter le covoiturage ou encore le télétravail… Qu’en pensez-vous ?
B.T :  Ce plan est très intéressant, à ceci près qu’il faudrait d’avantage intégrer l’Estia à la démarche qui est quand même l’acteur principal de la technopôle. La partie covoiturage est très pertinente, il y a un gros travail de pédagogie à faire là-dessus. le télétravail est également une piste à développer. Beaucoup à l’Estia le souhaitent mais ce n'est pour l'instant pas mis en place par l'employeur, la CCI. Je trouve cela dommage. Les professeurs ne sont pas tout le temps en classe, cela pourrait être fait au moins un jour par semaine. Personnellement je ne crois pas au 'tout télétravail' mais je pense que les entreprises doivent le proposer sans que cela ne soit contraignant. Aujourd’hui dans certaines d’entre elles, pour une journée de télétravail, il faut perdre quinze minutes à remplir un formulaire ...

Vous qui conseillez les entreprises et les collectivités en terme de développement durable, est-on en mesure d’espérer un vrai changement d’habitudes ?

B.T :  Je le pense, même si je trouve comme nombreux de mes collègues que tout cela ne va pas assez vite ! J’observe quand même que les collectivités sont mobilisées sur le sujet, beaucoup plus qu’avant. De nombreux groupes de travail voient le jour sur la transition énergétique. Des avancées concrètes vont forcément en découler. Sur la question des transports en particulier, tout passera par la communication.

Il faudra comme je vous le disais mettre en oeuvre une offre pertinente mais si l’on garde uniquement le prisme environnemental, les habitudes ne changeront pas. L’avantage économique est énorme si on laisse de côté sa voiture. 11 euros par mois, voilà mes dépenses de transport. A Lyon où j’ai vécu, une grande campagne a mis en avant cet argument en postant des comparatifs de coûts bus-voitures. Les gens, même peu réceptifs sur le sujet ont été très fortement marqués. L’enjeu financier est primordial, il faut montrer que l'on a tout à gagner en changeant nos habitudes.

Izarbel en chiffres :

10 hectares

1000 salariés, 100 entreprises

700 étudiants à l'école d'ingénieurs ESTIA

1000 places de parking