Goizeder TABERNA

Un regard plein d’humanité

“Quel Etat pourrait laisser mourir une personne privée de ses libertés ? C’est une question de dignité” 

"Nos souvenirs ne nous ramènent pas uniquement au passé”. Les paroles prononcées à la place Paul-Bert de Bayonne pour clore la journée du désarmement d’ETA résonnent encore dans nos têtes. “Ils nous confrontent à un douloureux présent, tel celui des prisonniers, de leurs familles et de leurs proches.” Elles résonnent encore lorsque l’on apprend que, atteint d’une maladie grave, Oier Gomez n’aurait plus que six mois à vivre. La justice devra se positionner sur sa demande de suspension de peine la semaine prochaine. Face à la gravité de la situation, une réponse négative des juges, une opposition à sa libération de la part du ministère public seraient incompréhensibles. Quel Etat pourrait laisser mourir une personne privée de ses libertés ? C’est une question de dignité.

Les 20 000 personnes réunies dans cette place samedi, une foule compacte, a fait un avec le manifeste lu sur l’estrade. Elles se sont engagées en ce jour historique à poursuivre le travail en faveur de la résolution intégrale du conflit. Elles ont demandé à ce que les politiques menées par les Etats français et espagnol s’inscrivent dans le présent. Il est temps de libérer les 13 prisonniers basques gravement malades et de rapprocher les autres de leurs familles. Il est temps de cesser de vouloir vaincre ETA par la répression et l’humiliation. Par la souffrance.

Les choses ont changé après l’opération de Louhossoa et le mouvement citoyen qui en a suivi. Cette dynamique ascendante lancée au Pays Basque Nord a non seulement réussi à fédérer une diversité d’opinions autour la résolution du conflit, mais elle a en plus obligé des responsables politiques à s’impliquer à différents niveaux, des deux côtés des Pyrénées. La photo du PSE, du PNV, de Podemos et d’EH Bai entourés d’autres partis de gauche à Bilbo, la reconnaissance de la Commission internationale de vérification du désarmement par le Gouvernement de Gasteiz, la tolérance de l’exécutif français quant à la restitution des armes par la société civile, la retenue de son pendant espagnol… A un moment donné les planètes se sont alignées. C’était une opportunité à ne pas perdre.

Cet équilibre fragile, fruit d’un travail de longue haleine, a pu se maintenir jusqu’au jour J, mais n’est pas acquis. Iñigo Urkullu n’a pas adhéré entièrement à la démarche de la société civile qui le privait de la centralité à laquelle il aspire depuis la Conférence d’Aiete. Aucun engagement ferme n’a été pris par le gouvernement français vis-à-vis des autres points qui restent à traiter. Même si le récit ne lui plaît pas, l’arsenal n’est plus un enjeu pour l’Etat espagnol, mais il réclame maintenant la dissolution d’ETA. Comme une barre qu’il monte d’un cran à chaque pas franchi. La seule garantie pour l’avenir est celle des “artisans de la paix” réunis à Bayonne. Et leurs regards plein d’humanité apporte de l’espoir.

A l’inverse des propos tenus dans la même ville par la représentante du Front national, mardi soir. Marion Maréchal-Le Pen a réuni près de 200 personnes autour d’un discours de haine et de peur de l’autre. Des idées nauséabondes portées par un FN au visage rajeuni. Le public présent, lui, n’avait pas de maquillage. Les 500 personnes qui manifestaient à l’extérieur n’en sont pas dupes. Elles ont prouvé encore une fois que les idées du Front national ne sont pas bienvenues dans ce Pays Basque qui a envie de vivre.

Honi buruzko guztia: edito