Béatrice MOLLE-HARAN

L’Eurorégion, une chance n’empêchant pas la vigilance

Au-delà des positionnements des uns et des autres, il ne faudrait pas qu’Eurorégion rime avec LGV seulement

En ces temps de repli identitaire, de montée des extrêmes et des programmes rejetant l’idée de l’Europe, il est toujours bon de rappeler que le but de cette Europe née et surtout mise en chantier après la Seconde Guerre mondiale était de pouvoir préserver la paix sur ce continent. Aujourd’hui hélas, elle est synonyme pour beaucoup de libéralisme effréné, de technocratie galopante au service des plus forts. Et responsable de tous les maux.

La première réunion cette semaine à Bordeaux de l’Eurorégion Nouvelle-Aquitaine-Euskadi-Navarre nous concerne au plus haut point, tant cette nouvelle institution semble permettre de faire la jonction, parmi d’ autres critères, entre le Pays Basque Nord et le Pays Basque Sud. D’aucuns considèrent qu’il peut s’agir d’une chimère, démentis en partie par l’opposition farouche à intégrer cette entité de la part du très conservateur Miguel Sanz, président de la Navarre il y a quelques années. Ce dernier voyait dans cette institution des ferments de développement de l’indépendantisme basque.

De l’eau et des élections sont passées sous le pont. Miguel Sanz a été renvoyé à ses chères affaires, et la Navarre est aujourd’hui présidée par l’abertzale Uxue Barkos. Son programme électoral mentionnait que la Navarre serait partie prenante de cette nouvelle entité si elle était élue. La réunion de lundi dernier scellait donc cette réintégration et une promesse électorale tenue.

Avec 9 millions d’habitants, cette Eurorégion devra définir des contenus concrets et affirmer une visible présence dans la vie quotidienne des citoyens du Pays Basque. La forte médiatisation qu’a suscitée cette rencontre, notamment en Pays Basque Sud, a surtout fait état de projets et d’axes communs autour du ferroviaire, et concrètement de la mise en place de la LGV. On connaît les positions très tranchées, concernant ce sujet, tant de la part du président de Nouvelle-Aquitaine Alain Rousset comme du président de la Communauté autonome d’Euskadi Iñigo Urkullu. Ce dernier étant de surcroît en pleines négociations sur ce sujet à Madrid et à Gasteiz.

Les deux hommes politiques sont des ardents partisans du développement de la LGV, faisant fi pour beaucoup de l’opposition toujours grandissante vis-à-vis de ce projet d’une grande partie de la population avec un financement jugé par ses détracteurs, irréaliste.

Bref, au-delà des positionnements des uns et des autres, il ne faudrait pas qu’Eurorégion rime avec LGV seulement, source évidente de conflit, mais devienne plus en phase avec les préoccupations des habitants de ce territoire. Culture, politique linguistique et économie sont également des champs investis par l’Eurorégion et ce depuis plusieurs années avec parfois pour le citoyen lambda un manque de lisibilité.

C’est donc le défi des prochaines années à venir : l’appropriation de cette belle idée par la société civile qui se doit d’être vigilante et demander des comptes.

Car une véritable Eurorégion, si elle se veut vivante et dynamique, ne se fera pas uniquement à coup d’accords et de conventions signés soit à Bordeaux, Gazteiz ou Iruñea, mais bien par la concrétisation de projets communs et la proximité avec les besoins et les aspirations des habitants du territoire qu’elle englobe.

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