Caroline MALCZUK

Exploiter l'or, envers et contre tous

Une consultation publique, lancée sans préavis le 30 janvier, a remis le feu aux poudres. Les associations de défense de l'environnement continuent à critiquer le projet d'exploration d'or de la société Sudmine. Le permis exclusif de recherches, dit Permis Kanbo, pourrait être obtenu en avril prochain.

Manifestation contre Sudmine ©Bob EDME
Manifestation contre Sudmine ©Bob EDME

Nouveau chapitre dans la polémique du "Permis Kanbo". Depuis le 30 janvier, une consultation publique sur la demande de Permis exclusif de recherches (PER) de la société Sudmine, qui permettrait à l’entreprise de rechercher de l’or dans l’intérieur du Labourd, a été lancée par le ministère de l’Economie et des Finances. Jusqu’au 17 février, toute personne voulant donner son avis sur le projet peut le faire par courriel (consultations.gr2@developpement-durable.gouv.fr).

Cette consultation est une étape obligatoire dans la procédure d’instruction d’un PER qui, selon le Code minier, donne à une entreprise la possibilité de pratiquer des travaux d’exploration d’or. Or, les associations environnementales locales, qui se mobilisent depuis deux ans contre, dénoncent le fait que cette étape du processus, pourtant dite "publique", ait été lancée sans préavis.

"Tout le monde est opposé au projet"

C’est Maryvonne Gervaise, de l’association Action citoyenne environnementale, qui a lancé l’alerte, la semaine dernière. "Je l’ai découvert par hasard sur le site Minéral info lors d'une revue de presse". Le président de l’association Stopmines EH, Thierry Michel, fulmine. "Tout le monde est opposé au projet. Sauf Sudmine. Parce qu’ils ont un interêt financier à ce qu’il y ait une mine d’or".

Depuis novembre 2014, le chemin de la mobilisation a été long pour Stopmines EH. "Le projet était tellement énorme que beaucoup de gens ne pensaient pas que cela puisse se faire." Le périmètre sollicité couvre une surface de 126 km2. Impliquant les communes d’Aïnhoa, Cambo-les-Bains, Espelette, Halsou, Itxassou, Jatxou, Larressore, Saint-Pée-sur-Nivelle, Sare, Souraïde et Ustaritz.

Aujourd’hui, Thierry Michel se félicite d’avoir réussi à sensibiliser "du monde" lors de réunions publiques organisées à Cambo-les-Bains et Saint-Pée-sur-Nivelle. Stopmines EH a été entendu par les élus des onze communes concernées, la députée Sylviane Alaux, Txetx de l’association Bizi !, ainsi que les représentants des AOP Piments d’Espelette et Ossau Iraty. Il recherche désormais le soutien du président de la Communauté d'agglomération Pays Basque, Jean-René Etchegaray. Et il avertit : "J’ai envie que cela se sache. C’est lancé. Cela va durer."

Un impact sur l'environnement ?

Mais qu’est ce qu’il lui est reproché déjà, à ce dit Permis Kanbo ? Pour les environnementalistes, bien que Sudmine défende un projet d’exploitation minier respectueux de l’environnement, écologie et mines ne font pas bon ménage. Martine Bouchet, du Collectif des associations de défense de l’environnement, craint une mine d’or de Salsigne bis. Le Bureau de recherches géologiques et minières a établi que les déchets de l’ancienne mine, située dans l’Aude, sont la cause de la pollution à l’arsenic de toute la Vallée de l’Obier. "Quand il y a de l’or, il y a de l’arsenic", affirme-t-elle.

Faux, selon Michaël Laloua, directeur de Sudmine. "Les métaux comme l’arsenic sont dans l’or primaire. On ne s’intéresse qu’à l’exploitation de l’or secondaire. L’impact sur l’environnement sera temporaire. Les zones d’exploitation seront remises en état", assure-t-il. Il défend un projet vertueux. "On veut démontrer qu’on peut faire de l’exploitation minière dans des conditions acceptables, respectueuses de l’environnement. On veut impliquer les populations dans le projet."

Sur ce dernier point, le dernier échec cuisant remonte au 10 juin 2015. Sudmine entendait présenter "une commission locale de concertation et de suivi" à Saint-Pée-sur-Nivelle. La réunion a été boycottée aussi bien par les associations que par les élus et les représentants de l’Etat. Pour Michaël Laloua, "personne n’est venu car elle n’était pas organisée par l’Etat". Les invités avaient effectivement remis en cause le caractère "officiel" de cette réunion qui voulait "offrir un cadre officiel et formalisé". Sylviane Alaux était allée jusqu'à dénoncer "un coup marketing".

Manque d'informations

"On est face à un mur, on ne demande que cela de communiquer sur notre projet", redit Mickaël Laloua. Qui veut contredire l’opacité dont les associations de l’environnement accusent Sudmine. "On n’a jamais eu l’occasion de discuter avec eux." Concernant le manque d’informations sur la consultation publique, le directeur trouve cependant peu d’arguments."La procédure est comme cela. L’information est transmise au préfet. L'annonce a été faite sur Internet."

Alors pourquoi poursuivre ce projet, envers et contre tous ? Michaël Laloua, rappelant que la première étape pour accéder aux travaux d’exploration n’a pas encore été franchie, met en avant la valorisation du patrimoine géologique et archéologique de la région. "Le Pays Basque a été exploité par les Tarbelles, les ancêtres des Basques. On s’est basé sur d’anciennes exploitations antiques." 

Le directeur de Sudmine veut mener un "projet à taille humaine" qui viserait à produire, si l’exploitation est concluante, un or certifié Pays Basque. "L’or qu’on produirait ferait partie d’une filière locale. Il serait transformé dans le Pays Basque, pour faire des bijoux dans la région."

Après le 17 février, le permis sera instruit par le cabinet du ministère de l’Economie et des Finances, fort des remarques et questions collectées dans le cadre de la consultation publique. La société espère l’avis final pour avant l’élection présidentielle. D’ici là, les associations promettent une forte mobilisation. Et le président de Sudmine Christian Vallier, dans un entretien accordé à MEDIABASK, avait promis : "Si vraiment, il y a une opposition totale au projet, on laissera tomber."