Bénédicte Saint-André

9 janvier : le procès de l'évasion fiscale a bien eu lieu

Le premier procès d'un faucheur de chaises restera dans les annales. Avec pour grands perdants, la BNP Paribas et l'évasion fiscale. 

Caroline et Eva Joly avec leur client Jon Palais © Isabelle Miquelestorena
Caroline et Eva Joly avec leur client Jon Palais © Isabelle Miquelestorena

Affluence record au tribunal de Dax ce 9 janvier. Les assesseurs n'en reviennent pas. Jon Palais et ses avocates, Eva et Caroline Joly, pénètrent dans l'enceinte sous une haie d'honneur de 2 000 personnes. Militants hauts en couleur, intellectuels engagés, tous sont venus dénoncer d'une seule voix l'évasion fiscale dans la plus pure tradition de l'agitprop.

La BNP, elle, s'est constituée partie civile mais ne s'est pas fait représenter. Elle réclame un euro symbolique à Jon Palais, pour préjudice. Une politique de la chaise vide regrettée par la présidente du tribunal Florence Bouvier, par Me Caroline Joly et par le procureur de Dax, Jean-Luc Puyo. Les absents ont toujours tort, le déroulé du procès le démontrera.

Une tribune pour diffuser ses idées

Le procureur ne goûte que très peu à cette affaire, refilée par Paris via son vice-procureur un brin zêlé. Jon Palais, lui, l'aura saisie au vol. En ne voulant s'expliquer que devant la justice, ce dernier l'a "contrainte" de mettre en œuvre un tel procès, indique le magistrat. Pour autant, il ne lui en veut pas "d'avoir trouvé là une tribune pour diffuser ses idées".

D'autant que ces idées, il les partage. Le proc' fut par le passé inspecteur des impôts. L'extrême gravité de l'évasion fiscale, il ne la conteste pas mais la condamne. Le vol, quant à lui n'est pas constitué. Il pèse ses mots, ne retient pas la réquisition mais parle d'"emport de chaises". Chaises qui avaient par ailleurs été restituées aux forces de l'ordre, à l'ouverture du procès Cahuzac.

De son côté, la défense s'est organisée. Caroline Joly note d'emblée que ce procès est une tentative d'intimidation de la part de la BNP, qui souhaite contenir ainsi de futures actions. Puis elle s'attaque au volet procédure, demandant la relaxe pure et simple de son client. Sa mère, elle, ira sur le fond.

Spécialiste anti-corruption, Eva Joly livre une lourde charge contre la banque. La force oratoire n'est pas au rendez-vous mais certaines formules font mouche. "La BNP s'attaque à un militant pacifiste qui gagne moins de 1 000 euros par mois alors que l'évasion fiscale est son business model."

Opération nulle pour la BNP

Egrenant les scandales, dont le dernier révélé par Mediapart en Argentine, elle insiste : "On ne peut compter que sur Jon Palais et ses semblables. Les gouvernements et la commission européenne ne font rien." Elle démonte ensuite un pseudo-rapport de l'OCDE. La banque l'utilise pour se dédouaner alors qu'elle fait bel et bien un tiers de ses bénéfices dans les paradis fiscaux.

Deux témoins se succèdent à la barre : le journaliste spécialisé sur l'évasion fiscale Antoine Peillon et Vincent Drezet, dirigeant de Solidaires Finances Publiques. Ils attestent du caractère non violent des actions de fauchage, qui "font référence à une longue tradition de désobéissance civile". Le procureur met en garde sur ce point. Un jour, un incident cardiaque pourrait bien se produire.

Jon Palais répond, serein. "Les réquisitions ont permis à des gens de transformer leur colère en action non violente constructive pour créer du débat", explique-t-il. Et l'objectif n'est en aucun cas d'effrayer clients ou employés.  Les consignes sont claires, les mots là pour rassurer et le ton n'est pas agressif. Sa démonstration s'appuie sur son long, très long passé de militant. Des exemples, il en a ainsi à la pelle. Cela fait rire la présidente. "On a bien compris", raille le procureur.

Affaire classée sans suite

Finalement, le magistrat requiert une "dispense de peine, de nature à satisfaire les intérêts de la société". Le jugement est mis en délibéré. Réponse le 23 janvier. A l'issue du procès, Jean-Luc Puyo nous confie qu'il devrait logiquement récupérer le dossier, sur un point de procédure. L'officier de la PJ n'a pas demandé au parquet l'autorisation de prélever les empreintes digitales de Jon Palais. Et si tel était le cas, il classerait l'affaire sans suite. 

Florent Compain, le président des Amis de la Terre, sera quant à lui jugé le 11 avril à Bar-le-Duc, pour une action réalisée à Nancy, le 6 novembre 2015. "Avec ces jugements en province, ils tentent peut-être de fuir la médiatisation", déclare-t-il. Raté.