Il y a d'abord la "Petite histoire du Pays Basque", livre de poche passé un peu inaperçu paru en mai 2016 chez Geste éditions, un éditeur des Deux-Sèvres. Puis, un second ouvrage plus volumineux, paru en octobre dernier chez le même éditeur. Qui, lui, fait grand bruit. Et ne laisse pas de place au doute pour de nombreux historiens du Pays Basque Nord. Pour eux l'affaire est entendue, il s'agirait d'un plagiat en règle effectué par Dominique Lormier, l'auteur des deux livres. Le chercheur pillé ne serait autre que Manex Goyenetche, dont l'"Histoire Générale du Pays Basque" reste à ce jour une œuvre de référence.

"Un événement misérable". Peio Etcheverry-Ainchart parle ainsi au nom d'un collectif rassemblant plus d'une vingtaine d'historiens, chercheurs ou enseignants du Pays Basque Nord. "Nous sommes face à quelque chose qu'on ne peut laisser passer sous peine de laisser la porte ouverte à toutes les dérives". Dérives qui pourraient se multiplier tant le filon du Pays Basque semble prometteur en matière d'édition.

"On ne s'improvise pas historien, la démarche historique repose en effet sur une méthodologie reconnue et enseignée à l'université", rappelle Txomin Hiriart Urruty, professeur d'histoire-géographie en collège. Et passe par des incontournables comme la présence d'une bibliographie étayant l'ampleur des recherches effectuées. Bibliographie étrangement absente chez Dominique Lormier. "En voyant qu'il écrit quatre livres par an, on comprend mieux cette absence", ajoute l'enseignant, pour mieux souligner la somme de travail que nécessite en réalité l'écriture d'un tel ouvrage.

Autres incontournables, la présence d'une table des matières, d'une conclusion, de citations réalisées dans les règles de l'art. "Rien de tout cela dans l'"Histoire du Pays Basque" de Dominique Lormier" pour Txomin Hiriart Urruty.

Dominique Lormier se défend

Dominique Lormier se défend en déclarant qu'il cite Manex Goyenetche, réfutant toute accusation de plagiat. "Il n'y a que trois citations en bonne et due forme, à côté de 17 emprunts non signalés sur les quarante premières pages", rétorque Txomin Hiriart Urruty. "Une citation correcte devant signaler le nom de l'auteur cité, de son ouvrage, de la maison d'édition et de l'année de parution", ajoute l'historien.

Pour lui et ses confrères, il est clair que Dominique Lormier aurait tenté de noyer le poisson avec ces trois citations auxquelles il faut ajouter une très riche illustration tirée directement du tome I de l'"Histoire générale du Pays Basque" de Manex Goyenetche. "Tout cela sans la moindre autorisation", ajoute Peio Etcheverry-Ainchart, par ailleurs l'éditeur de Manex Goyenetche.

Et Txomin Hiriart Urruty d'insister : "lorsque Dominique Lormier cite Manex Goyenetche, il le fait juste sur une phrase alors que les emprunts concernent des passages entiers". Peio Etcheverry-Ainchart, preuve à l'appui, montre des passages où l'auteur incriminé se serait contenté de changer quelques mots, parfois des virgules. Sur la première partie, Peio Etcheverry-Ainchart estime à 90 % l'ampleur du plagiat. "Une piraterie", selon Jean-Louis Davant, pour mieux dénoncer "le côté malhonnête de la démarche intellectuelle".

Suites de l'affaire

Concernant les suites juridiques possibles, Peio Etcheverry-Ainchart rappelle que "la définition du plagiat ou plutôt de la contrefaçon reste floue". Mais celui-ci d'ajouter que les ayants droit de Manex Goyenetche et Elkar réfléchissent à une action en justice, l'avocat d'Elkar étant déjà entré en contact avec la maison d'édition des Deux-Sèvres.  

Dominique Lormier affirme de son côté n'avoir jamais eu de problème semblable. Inquiété de la même façon pour son ouvrage "La résistance pour les Nuls" par Dominique Sigaud, auteur d'un livre sur la Gestapo, il affirme "avoir été mis hors de cause".  

Mais cette fois l'affaire pourrait s'avérer plus compliquée. Car ces historiens basques planchent déjà sur la suite de l'ouvrage de Dominique Lormier, l'accusation de palgiat portant pour l'instant sur le début de son livre. "Un deuxième auteur plagié a déjà été identifié", confirme Peio Etcheverry-Ainchart. Pour l'instant son identité n'est pas révélée, dans l'attente de vérifications supplémentaires et il reviendra à lui ou son éditeur de révéler l'affaire.

La mémoire de Manex Goyenetche

Au-delà de l'aspect juridique, le collectif d'historiens est unanime pour saluer la mémoire de Manex Goyenetche, disparu en 2004. Et manifester sa reconnaissance envers son oeuvre, "fruit d'un travail de toute une vie". De toute évidence, Dominique Lormier y aura consacré beaucoup moins de temps.