Béatrice MOLLE HARAN

Résolution du conflit basque ou la nécessaire centralité

Béatrice Molle-Haran
Béatrice Molle-Haran

L’heure est au bilan : cinq ans après l’annonce d’un cessez-le-feu définitif par ETA le 20 octobre 2011, répondant ainsi au premier point de la déclaration d’Aiete du 17 octobre de la même année, déclaration signée par Kofi Annan et de nombreuses personnalités internationales. Bilan que l’on pourrait qualifier de négatif tant le blocage, voire l’indifférence, des Etats espagnol et français est grand. La situation est cependant bien plus contrastée qu’il n’y paraît. Le groupe de médiateurs internationaux conduit par le prix Nobel de la Paix Kofi Annan avait misé en 2011 sur la bilatéralité en signant la déclaration d’Aiete à Donostia, feuille de route pour la résolution du conflit basque. De cette déclaration seule l’organisation ETA de façon unilatérale a respecté le premier point qui la concernait. Le deuxième qui enjoignait les dirigeants politiques espagnols et français à s’engager dans la voie d’un nécessaire dialogue n’a pas eu d’écho.

Aujourd’hui, 361 prisonniers et prisonnières basques dispersées croupissent toujours dans les prisons espagnoles et françaises, dont dix gravement malades. Cette bilatéralité de l’accord ne s’est donc pas concrétisée. Et Madrid, tel un conquérant de pacotille pathétique s’accroche aux prisonniers comme à un butin et au désarmement, que finalement il ne souhaite pas. Et le gouvernement français, servile, suit. Car quel gouvernement ne se rejouirait-il pas de l’arrêt d’un mouvement de lutte armée? Preuve en est, pour ceux et celles qui en doutaient que la décision d’ETA était idoine, dans les derniers temps la lutte armée d’ETA servait involontairement les intérêts du gouvernement espagnol.

Paradoxalement ou peut-être à cause de cela, la société basque multiplie les initiatives car c’est elle qui a les clés de la résolution. La dernière initiative en date semble intéressante à plus d’un titre : Ireki-Ouvrir se présente comme un Collectif de travailleurs agissant dans l’ensemble du Pays Basque. Leur but : récolter 150 000 signatures pour la libération des prisonniers avec comme date butoir le 17 juin prochain. Modestement les promoteurs de cette opération indiquent que “cela n’est pas très original”, mais que devant l’immobilisme des Etats, il est temps de réagir. A y regarder de plus près le fond de cette initiative va permettre d’atteindre toutes les couches de la société basque, car le problème des prisonniers basques concerne au-delà des abertzale, l’ensemble de la société. Comment une société démocratique et un Etat de droit peut-il bafouer ses propres lois, notamment en ce qui concerne les prisonniers malades, et ceux et celles dispersés aux quatres vents. Comme l’avocate Arantxa Zulueta au secret depuis près de deux ans ou du dirigeant syndicaliste de LAB, Rafa Diez, enfermé depuis sept années. Bake Bidea, Bagoaz, Sare et d’autres associations convergent vers un même but : donner à la revendication de libération des prisonniers basques et par la même à la résolution du conflit la centralité dont elle a besoin. Car en marge de l’éventuelle idéologie à laquelle on croit, ce problème rentre désormais dans le champ des Droits de l’Homme et de la démocratie. Libre à chacun et chacune de rejoindre ensuite sa paroisse. La fin de la lutte armée dans un pays induit aussi un changement culturel et pas seulement pour ceux et celles qui l’ont pratiquée. De nouveaux modes de solidarité, une autre façon de militer et forcément des dissensions car pour certains les choses avancent trop lentement. C’est le piège de la division auquel les gouvernements aimeraient tant que l’on cédât. En responsabilité, le Pays Basque doit avancer groupé.

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