Bénédicte Saint-André

ETA : la France agite le chiffon rouge

Perquisitions à l’encontre de Josu Urrutikoetxea, découverte d’une cache d’armes supposée appartenir à ETA, ce 12 octobre fut marqué par une fronde anti-ETA sur le sol français. 

Josu Urrutikoetxea a été élu en 1998 au parlement autonome basque . © Gari Garaialde
Josu Urrutikoetxea a été élu en 1998 au parlement autonome basque . © Gari Garaialde

Ce mercredi 12 octobre, le juge d’instruction anti-terroriste Christophe Teissier ordonnait deux perquisitions pour retrouver Josu Urrutikoetxea, informe la compagne de l'ancien chef présumé d’ETA, en fuite depuis 2002.

La première perquisition avait lieu au domicile de cette dernière à Anglet. Elle était présente avec leur fille, âgée de trois ans. Une dizaine d’hommes de la police judiciaire étaient sur place. "Ils ont été très corrects, ils le cherchaient sans conviction, précise-t-elle à MEDIABASK. "Ils m’ont dit qu’ils étaient des soldats, qu’ils obéissaient aux ordres". Les policiers ont pris des photos du domicile et de ses accès, réalisé des copies de son ordinateur et consulté son téléphone portable.

La deuxième perquisition s'est tenue en Ariège, à Durban-sur-Arize où l’homme avait déjà été recherché, en vain également, en juillet 2013. Des "experts" affirmaient alors qu’il avait été prévenu d’une arrestation imminente- version démentie par sa compagne- afin de ne pas entraver le processus de paix, dont il aurait été l’un des instigateurs.

Négociations avec le gouvernement français pendant l’été

Ce mercredi 12 octobre également, la section antiterroriste du parquet de Paris confirme à MEDIABASK qu’une opération menée conjointement par la sous-direction antiterroriste française, la DGSI et la Guardia Civil a mis à jour une cache d’armes susceptible d’appartenir à ETA dans la forêt de Carlepont, un village de l’Oise. "57 armes de poing ont été trouvées, 84 carcasses d’armes, deux fusils de chasse, et de nombreuses munitions". Elles sont actuellement en cours d’analyse par la police scientifique.

Ces initiatives surviennent à cinq jours du cinquième anniversaire de la déclaration d’Aiete. Mais également le jour de la célébration de la Vierge du Pilar, patronne de la Guardia Civil et de la fête nationale espagnole, qui commémore le jour de Christophe Colomb. L’opération policière aurait d’ailleurs été baptisée "Découverte", d’après la presse espagnole.

Le quotidien El Pais, qui cite des sources proches du dossier, souligne que l’opération interviendrait alors qu’ETA a cherché à négocier son désarmement avec le gouvernement français durant l’été, s’inspirant de l’exemple colombien et rassemblant en ce sens son arsenal. Le dernier communiqué d’ETA date du 27 septembre dernier, jour des combattants. L’organisation réaffirmait alors son renoncement à la violence, mais regrettait qu'un accord de paix ne puisse être négocié comme en Colombie. 

Toujours selon El Pais, des conseillers de François Hollande seraient favorables à des négociations avec ETA et des lettres auraient été envoyées en ce sens à l’Elysée par "des politiques français proches des abertzale". Manuel Valls et Bernard Cazeneuve seraient eux formellement opposés à la démarche. A l’heure où nous écrivons, les services du ministère de l’Intérieur n’ont pas donné suite à nos sollicitations.

Réactions à l'opération

Le ministre de l'Intérieur espagnol par intérim Jorge Fernandez Diaz a une nouvelle fois réfuté hier toute possibilité de négociation. "Ils doivent rendre leurs armes et rendre publique leur dissolution. ETA est un cadavre qui a juste besoin de délivrer un certificat de décès", a-t-il déclaré.

De son côté, Sortu a dénoncé l'opération dans un communiqué. Le parti nationaliste condamne la "réticence des deux Etats à procéder au désarmement d’ETA d'une manière ordonnée et leur obsession d'imposer à l'Histoire des gagnants et des perdants" au lieu de permettre que "la normalisation politique et la coexistence démocratique s’installent sur des bases solides".

Le 28 mai 2015, les membres de la Guardia civil et la police française réalisaient une opération similaire à Biarritz, dénoncée à la fois par ETA et par les agents de la Commission internationale de vérification, chargée d’accompagner le processus de désarmement. Commission qui annonçait en février 2014 qu’ETA avait commencé à mettre "hors d’usage opérationnel" son arsenal.