Justine Giraudel

Arrêt du TAFTA : l'arbre qui cache la forêt

Ce matin, mardi 30 août, le gouvernement français réclamait l'arrêt des négociations sur le TAFTA. Loin d'applaudir la nouvelle, l'association STOP TAFTA Pays Basque dénonce une supercherie et met en garde: si le TAFTA est mort, le CETA et le TISA rôdent.

Les mouvements altermondialistes appellent à une journée internationale contre tous traités de libre-échange (TAFTA-CETA-TISA) samedi 15 octobre. © Bob EDME
Les mouvements altermondialistes appellent à une journée internationale contre tous traités de libre-échange (TAFTA-CETA-TISA) samedi 15 octobre. © Bob EDME

Dénoncés haut et fort par les associations et la société civile, les traités de libre échange agitent aujourd'hui la sphère politique européenne. Dimanche 28 août, le vice-chancelier allemand et ministre de l’économie affirmait que les négociations entre l’Union européenne et les Etats-Unis sur le TAFTA (traité de libre-échange transatlantique)  "ont pratiquement échoué, même si personne ne l’admet vraiment". En cause, l'échec des négociations sur l'entièreté des 27 chapitres discutés, relayait le journal le Monde.

Ce mardi 30 août, au tour du gouvernement français de le remettre en question. "La France demande l'arrêt des négociations du #TAFTA #TTIP" a annoncé ce matin Matthias Fekl, le secrétaire d’Etat chargé du commerce extérieur. Une annonce attendue par le collectif STOP TAFTA Pays Basque, explique Patricia Leuenberger, l'une de ses fondatrices. "Les élections se profilent et l'opposition était grande dans la société civile".

CETA, le jumeau canadien

De là à parler de victoire… Le discours est tout autre : "Pour l'instant on nous retire le TAFTA, mais rien ne nous dit qu'il ne sera pas replacé sous une autre forme l'an prochain. Et surtout, et c'est là ou le bât blesse affirme-t-elle, [les gouvernements] marchent en faveur du CETA." Le Comprehensive Economic Trade Agreement, soit l'accord entre le Canada et l'Europe qui, à l'écouter, serait le jumeau du Tafta. "Et c'est la grande hypocrisie. Les multinationales [des Etats-Unis] qui possèdent des filiales au Canada passeront par là pour envahir l'Europe."

Le CETA devrait être signé au cours d'un sommet euro-canadien à la fin octobre, et les altermondialistes se préparent : ils ont convoqué une journée de manifestation internationale, le 15 du même mois. "On n'est pas prêts de ranger les cartons", sourit la militante.

Les discussions sur le CETA, moins connues du grand public, sont particulièrement complexes explique-t-elle. L'enjeu politique actuel serait de considérer l'accord comme mixte, c'est-à-dire relevant de la compétence de l'Union Européenne et de celle des Etats, ce qui permettrait de le faire passer devant les parlements nationaux après sa signature à Bruxelles. "Mais il serait assorti d'une application immédiate. Et une fois qu'un traité est mis en application immédiate, vous pensez bien la difficulté pour un pays de dire 'non on ne rentre pas là dedans' alors que tous les autres y sont'".

TISA, en route pour la privatisation des services publics

Les traités de libre-échange ne seraient donc pas en danger. P. Leuenberger s'inquiète tout autant du TISA, l'accord sur le commerce des services négocié en toute discrétion par 50 Etats - et qui avait "fuité" grâce aux révélations de Wikileaks en 2014. Principales critiques formulées à son égard : une libéralisation par défaut et la privatisation de tous les services publics.

Et la militante de rappeler une autre promesse de Matthias Fekl datée de 2015, "de réinventer quelque chose de neuf" concernant les ISDS, les tribunaux d’arbitrage dans les accords de libre-échange. "Ils avaient prétendu changer la technique, ce qui était faux. Le système était conservé à l'identique, sauf qu'ils avaient échangé les avocats privés par des juges. Mais les multinationales pouvaient continuer d'attaquer les Etats quand elles n'étaient pas contentes."

Si le TAFTA prend aujourd'hui toute la lumière, pour les militants les enjeux des traités de libre-échange se tapissent dans l'ombre. "Nous n'avons aucune confiance", conclut-elle.