Antton ETXEBERRI

Un coup bas de la CGT pour garder son leadership

Antton Etxeberri
Antton Etxeberri

Le Tribunal d’instance de Bordeaux a accepté la semaine dernière le recours déposé par la CGT contre la candidature de LAB aux élections des Très Petites Entreprises (TPE). Ce jugement, qui doit passer encore en Cour de cassation, est une très mauvaise nouvelle non seulement pour le syndicat abertzale, mais aussi pour l’ensemble du monde salarié et pour la démocratie en général. Une décision judiciaire semblable ayant été rendue contre le STC (Syndicat des Travailleurs Corses), qui est pourtant majoritaire sur l’île, il semble que la décision de Bordeaux ne soit pas une méprise incontrôlée, mais qu’elle soit au contraire organisée dans le seul but de freiner ces deux syndicats dans leur développement. LAB, créé au Pays Basque Nord il y a quelques années, s’était présenté aux élections des TPE en 2012 pour la première fois, et avait obtenu des résultats remarquables. Quatre ans plus tard, et alors qu’aucun texte n’a été modifié dans les statuts de LAB, la justice française a décidé de donner raison au syndicat cégétiste qui a porté la charge devant le tribunal administratif. Ceci amène quelques interrogations : si elle considère que LAB n’est pas un syndicat, pourquoi la CGT attaque-t-elle aujourd’hui LAB et ne l’a pas fait au moment de sa création, ni au moment des élections en 2012 ? La CGT, qui est en concurrence aujourd’hui avec la CFDT pour maintenir son titre de “premier syndicat français”, n’a-t-elle pas d’autres combats à mener que de s’attaquer à LAB, dont les militants et les sympathisants sont aux avant-postes depuis de nombreuses années à toutes les manifestations et luttes œuvrant à défendre l’ensemble des salariés du Pays Basque ? Quand on voit le poids que représentent les syndicats au sein du monde salarié (moins de 10%), la CGT ne se trompe-t-elle pas d’ennemi ? La plupart des syndicats français présents au Pays Basque ont toujours maintenu le syndicat abertzale de côté dans les rassemblements du 1er mai ou pendant les grèves ; LAB n’a jamais eu “l’autorisation” de faire partie de l’intersyndicale, de tenir la banderole rassemblant tous les syndicats. Prétextant dans le temps un positionnement trop “complice” vis-à-vis de la lutte armée pour tenir à l’écart LAB, les syndicats de l’intersyndicale n’ont depuis quelques années plus aucune excuse pour refuser sa présence parmi eux. Pourtant, la discrimination persiste, et LAB est toujours obligé de manifester en queue de peloton, comme un cancre que les premiers de la classe ont relégué derrière. La lutte armée hier, l’euskara aujourd’hui… Il semble que finalement, le fond du problème soit tout autre : celui de toujours, celui qui n’accepte pas que le Pays Basque existe, s’organise, se prenne en main… Les très nombreuses initiatives prises par les Basques ont toutes rencontré le bâton de tribunaux : Seaska a été attaqué, AEK a été attaqué, l’assemblée des élus Udalbiltza a été attaquée, des mouvements politiques ont été attaqués, des mouvements de jeunes ont été attaqués, Euskal Herriko Laborantxa Ganbara a été attaqué, et maintenant le syndicat LAB est attaqué. Comme les autres structures, il ne fait aucun doute que LAB sortira renforcé de cette attaque injuste et grossière. L’énergie et la présence constante des syndiqués de LAB et le soutien populaire ont permis que ce syndicat gagne sa légitimité en tant que défenseur des salariés du Pays Basque. Il serait donc plus juste que le “jugement” du travail mené par ce syndicat, depuis le début de son histoire, revienne aux salariés, plutôt qu’à un autre syndicat ou aux tribunaux. Les élections des TPE en sont justement une occasion.

La réalité de l’histoire, c’est que LAB est bien un syndicat de salariés, qui a réussi dans sa petite trajectoire au Pays Basque Nord à s’imposer comme tel. Reconnu comme un syndicat à part entière par l’ensemble des salariés, qu’ils soient abertzale ou non, qu’ils soient syndiqués ou non, LAB est en train de se développer et gagner de l’espace dans le terrain syndical. A la pointe du combat contre la loi El Khomri et du collectif Jusqu’au retrait, le syndicat basque s’est imposé naturellement comme une pièce maîtresse dans les luttes sociales au Pays Basque. Aux côtés des autres syndicats, la CGT comprise. Ce n’est pas un hasard si des adhérents de ce dernier rendent aujourd’hui leurs cartes d’adhésion, pour montrer leur désaccord avec leur centrale jacobine. Les salariés du Pays Basque ont besoin de syndicats forts et unis dans les luttes, de LAB à la CGT et tous les autres. D’ailleurs, l’absence de LAB ne fragiliserait-elle pas la légitimité même des prochaines élections des TPE au Pays Basque Nord et les représentants qui en seront issus ?

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