Bénédicte Saint-André

Légendes photos des Fêtes

Aux Fêtes de Bayonne, il est des rendez-vous sacrés et des sacrés personnages. Rencontre avec ces photographes du cru qui se réunissent chaque jeudi midi, depuis trente ans.

Un jeudi, comme chaque année. © Isabelle Miquelestorena
Un jeudi, comme chaque année. © Isabelle Miquelestorena

"J'ai un peu soif moi", lance gouailleur Kepa Etchandy. Photographe à la Semaine du Pays Basque, il déboule comme chaque jeudi des Fêtes depuis 1986, en habits de lumière. Le lieu, lui, a changé. Nous sommes à Haitia, la jeune patronne fut sa stagiaire. On ne choisit pas une adresse au hasard.

Certains, las, ne sont plus là. A part sur les clichés que l'on s'échange à l'apéro -"regarde-moi le Francis"- puis qu'on range religieusement dans sa poche de chemise, bien près du cœur.

Ils sont photographes. D'ailleurs, tout a commencé par là. "On avait investi dans une machine Fuji. Evidemment, il y avait toujours quelque chose qui débloquait. Alors on s'filait un tuyau, une pièce. Mais l'extraordinaire, c'est qu'on faisait toujours payer le repas au représentant de chez Fuji", livre Patrick Valleau de Saint-Jean-de-Luz.

Présent aussi, Daniel Velez, connu comme le loup blanc, mémoire vive du Pays Basque, disque dur d'anthologie. Michel Palmiro d'Ustaritz. Les anecdotes fusent, elles sont légion. On se souvient de la table ouverte du temps où Kepa tenait sa boutique, sous les arceaux. Les gens passaient, chantaient, laissaient une bouteille. "Ils étaient chez eux".

Les Fêtes de Bayonne, c'est un état d'esprit. "Un jour, je n'avais plus d'argent, narre Képa, je m'étais mis une pelée monumentale avec mon banquier. Il refusait de me lâcher un centime. Après le repas, je me lève pour payer l'addition. C'est offert, me répond le serveur me montrant quelqu'un du doigt. C'était le banquier. Il n'y a qu'aux Fêtes qu'on peut voir ça".

Derrière eux, un couple. Voilà trois ans qu'ils se retrouvent. "A chaque fois on a droit à une photo de l'an passé. Un an plus tard. C'est merveilleux", confie la femme. "La photo, c'est notre raison d'être. On ne sait faire que ça. Alors imaginez si on est bien là tous ensemble".

Même si pour eux les Fêtes ont changé. "Depuis 2003, à peu près selon Michel. -Quand la capitale s'est mise à nous faire de la pub. -C'est aussi nous qui vieillissons, tiens, peut-être. -Non, on est toujours aussi mordant." Bref, on ne saura pas bien. Si ce n'est qu'on aimerait être de la partie l'an prochain.

D'ailleurs, en les quittant, on tombe sur cette phrase de Prévert, affichée devant Les Arcades. "Je sais un peu partout, tout le monde s'entretue, c'est pas gai, mais d'autres s'entrevivent, j'irai les retrouver".