Kattin Chilibolost
Elkarrizketa
Gaël Roblin
Auteur, militant de la gauche indépendantiste bretonne

"Contester l'hégémonie culturelle, dire que les mots ont un sens"

Gaël Roblin était bénévole au festival Euskal Herria Zuzenean en 1997, et c'est "avec plaisir" qu'il a accepté l'invitation des organisateurs d'EHZ. Militant de la gauche indépendantiste bretonne, il est aussi l'auteur de l'"ZHBécédaire" et se rendra au local Zinka de Mauléon, le vendredi 15 janvier, et au local Epaiska de Bayonne le 16 janvier après-midi pour en faire la présentation.

Gaël Roblin.
Gaël Roblin.

Pouvez-vous nous décrire l'ZHBécédaire ?

Gaël Roblin : Le ZHBécédaire est un lexique politique radical de Bretagne. L'idée est de combattre l'hégémonie culturelle, soit l'ensemble du discours produit par la classe dominante en vue de se faire accepter par de la classe dominée. Dire que l'on conteste l'hégémonie culturelle est aussi dire que les mots ont un sens, et c'est à nous de leur en donner un. Il ne faut pas laisser l'Etat ou les journalistes nous dire comment nous devons nous appeler, ou nous déterminer. En Bretagne existe un peuple, avec des droits, et notamment le droit de décider.

Quels mots retrouve-t-on dans l'ZHBécédaire ?

G. R : Auto-organisation, autonomie, autonomiste, région, régionalisme, indépendantisme... Il est très important d'expliquer la différence entre ces notions. Dans la tête des Bretons, tout est très flou. Il y a aussi une entrée concernant la langue bretonne, le Gwenn ha Du, notre drapeau, ou encore Jean Groix...

Le lexique intègre des notions liées à l'histoire du Pays Basque...

G. R : J'en parle deux fois, pour Jean Groix et pour ETA. Je rappelle aussi le mouvement de solidarité qu'il y a eu, particulièrement en 1992. A l'époque, presque une centaine de personnes avaient été arrêtées pour avoir hébergé des militants basques. Les militants qui ont entre 40 et 50 ans le savent tous. Mais les générations plus jeunes ne sont pas au courant et ne se rendent pas compte que le mouvement de solidarité a été aussi fort. Il est important d'en reparler, cela suscite des discussions, il s'agit d'éducation populaire.

Quelles ont été les réactions des Bretons lors de la présentation de l'ZHBécédéraire ?

G. R : Lors des signatures ou des présentations, j'ai senti une différence de générations. Les jeunes étaient très décomplexés par rapport au fait de se réapproprier des mots. Parce que ce sont des gens très détachés du système électoral français. Et je sentais que pour ceux d'un certain âge je mettais en quelque sorte un peu les pieds dans le plat, sans que pour autant ils soient en désaccord avec la démarche. 

Où avez-vous présenté le livre ?

G. R : J'en ai vendu en Catalogne du Nord. Etant dans une situation d'assimilation assez poussée, tous les débats sur le droit à décider dans le cadre de l'Etat français les intéressaient. J'en ai aussi vendu en Galice, aux Etats-Unis et au Pays Basque du Nord.

Comment voyez-vous la relation entre Basques et Bretons maintenant  ?

G. R : Elle perdure. Sous des formes peut-être moins spectaculaires que dans les années 1990, mais je remarque que chaque structure populaire bretonne a son alter-ego au Pays Basque Nord.

Les échanges se font naturellement. Dans les ikastola par exemple. Nous nous étions rendus compte que les salaires des enseignants étaient pris en charge par l'Etat au bout d'un an environ, et nous au bout de cinq ans. Nous ne comprenions pas pourquoi. Une délégation syndicaliste de nos écoles s'était alors réunie avec des syndicalistes de LAB qui nous ont expliqué pourquoi, comment... Et comme les deux cas entraient dans le même cadre juridique, il était impossible de refuser la même chose. Bien que le changement puisse ne pas paraître significatif, ça a été une grande avancée pour la fédération des écoles Diwan.

Actuellement, on peut aussi le voir avec la campagne pour Lorentxa Guimon. Nous n'avons pas à rééxpliquer le contexte. Les gens politisés en Bretagne, quelle que soit leur opinion, ont un interêt certain pour tout ce qui se passe au Pays Basque, y compris au Pays Basque Nord. Ce sont des liens, des complicités qui se sont accumulés au fil des années et sont bien pratiques au quotidien.