Argitxu Dufau

Journée de revendications et de soutien

Chaque début d'année, le Pays Basque est marqué par une grande mobilisation en faveur des détenus basques. En 2016, deux manifestations ont eu lieu, l'une au Pays Basque Nord, l'autre au Sud. A Bayonne, 8 000 personnes se sont rassemblées. Parmi les manifestants, les proches des détenus et des élus de tous bords étaient dans le cortège. Tous ont tenu à défendre l'application des droits des détenus basques, point important du processus de paix engagé en 2011.

Elus et familles de détenus ont défilé dans les rues de Bayonne. © Isabelle Miquelestorena
Elus et familles de détenus ont défilé dans les rues de Bayonne. © Isabelle Miquelestorena

Samedi 9 janvier 2016, aucun détenu basque n'a reçu de visite d'un proche. Tous étaient aux mobilisations organisées à Bayonne et à Bilbo pour exiger le respect de leurs droits. "Chaque début d'année, nous puisons des forces dans cette manifestation pour tenir le reste de l'année", confie une mère de détenu. Car s'il s'agit d'une journée de revendication, c'est aussi une journée de soutien.

La société civile a voulu se faire entendre par les gouvernements français et espagnol, considérés comme des éléments de blocage dans le processus de paix. Ils étaient 8 000 dans les rues de Bayonne et 63 000 à Bilbo.

Les mirentxin (fourgonnettes transportant les familles et proches lors des visites aux détenus) ont ouvert le cortège, suivis des familles de détenus, sous les applaudissements poignants des manifestants.

Derrière eux, des élus du Pays Basque Nord avaient fait le déplacement suite à leur appel à manifester, lancé quelques jours plus tôt. Toutes les couleurs politiques étaient représentées.

"Nous nous battons, les uns et les autres, depuis un certain temps, les prisonniers basques ont les mêmes droits que tous les détenus en France. Je pense qu'il est important qu'aujourd'hui cesse les mesures d'exception pour les prisonniers basques et qu'ils soient considérés comme des prisonniers français normaux. Eux et leur famille doivent accéder aux mêmes droits”, considère la sénatrice socialiste, Frédérique Espagnac. Le maire de Bayonne, Jean-René Etchagaray (UDI), tenait aussi ce discours : "Il n'y a pas de raison d'être doublement puni selon que l'on est français ou basque".

Une situation bloquée

La députée socialiste Colette Capdevielle était aussi présente et assure que "la garde des Sceaux, Christiane Taubira, est très à l'écoute de ce sujet complexe." Elle reconnaît que "la situation est aujourd'hui bloquée" mais confirme la volonté de C. Taubira de traiter ces dossiers réellement au cas par cas et de voir, à chaque fois que cela est possible, la possibilité de rapprocher les personnes privées de liberté. Pas une semaine ne passe sans que ces dossiers ne soient regardés".

Philippe Poutou du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) a également fait le déplacement : "Le NPA national soutien la lutte du peuple basque. Nous sommes solidaires de la problématique des prisonniers basques, nous sommes pour le rapprochement, la libération des détenus gravement malades, et pour l'amnistie. Nous ne sommes pas dans la logique de la République française unie et indivisible, nous sommes pour que les peuples puissent décider par eux-mêmes".

Les élus reconnaissent l'immobilisme de la part des Etats français et espagnol. "Depuis Aiete, il ne s'est passé qu'une chose, ETA a déposé les armes mais les gouvernements sont restés inertes. Ils font comme s'ils n'entendaient pas", a dénoncé J.-R. Etchegaray. Il s'adresse directement au gouvernement français pour qu'il s'engage dans le processus de paix.

"Besoin de paix au Pays Basque"

Le maire Modem de Biarritz, Michel Veunac estime que "les Etats espagnol et français, pour des raisons politiques, ne parviennent pas à tourner la page, ils freinent le processus de paix alors qu'il faut l'accélérer. Nous avons besoin de paix en Pays Basque".

Le PCF, dans communiqué, avait déclaré ne pas appeler à la manifestation. Pourtant, dans les premiers rangs se trouvait Yvette Debarbieux, conseillère municipale de Saint-Jean-de-Luz, engagée dès la première heure dans le processus de paix. Elle n'a pas caché son "regret" du fait que son parti n'ait pas appelé à la mobilisation. "Nous sommes tous ensemble, les représentants politiques comme la société civile et les syndicats, nous demandons que la loi soit respectée", a-t-elle ajouté.

Face au mutisme de Paris, certains élus, comme le maire de Bayonne, ne cachent pas leur sentiment d'impuissance : "je me sens impuissant car au bout de quatre ou cinq ans de mobilisation, avec la même régularité et avec de plus en plus de monde, la situation est toujours bloquée. Cette mobilisation n'est pas que la mobilisation d'abertzale mais de citoyens".

"Les choses avancent"

Pour F. Espagnac, au contraire, "les choses avancent, elles ne sont pas toujours visibles mais il faut continuer à se battre et à se mobiliser".

Le maire socialiste d'Hendaye, Kotte Ecenarro, était aussi présent, aux côtés de la députée Sylviane Alaux. Aussi présents : les conseillers municipaux abertzale Paskal Lafitte, Eneko Aldana et Iker Elizalde, les conseillère régionales Emilie Dutoya et Alice Leiçiagueçahar et des maires du Pays Basque Nord.

Si le rapprochement des détenus basques, la libération des détenus gravement malades et de ceux pouvant bénéficier d'une liberté conditionnelle semblent faire consensus au sein de la société civile et de la classe politique du Pays Basque Nord, une réponse du gouvernement français se fait toujours attendre.