Argitxu Dufau

L'urgence climatique pendant l'état d'urgence

Les chefs de gouvernements n'étaient pas les seuls à s'être "mobilisés" pendant la COP 21. Les militants écologistes étaient eux dans la rue pour rappeler à quel point il est urgent de considérer que nous sommes face à une urgence. Tout cela dans une ambiance "d'état d'urgence". MEDIABASK a recueilli les témoignages de trois militants écologistes basques qui ont pris part aux mobilisations.

Plus de 20 000 personnes se sont rassemblées sur le Champ de Mars à Paris. @1000Alternatiba
Plus de 20 000 personnes se sont rassemblées sur le Champ de Mars à Paris. @1000Alternatiba

Suite aux attentats du 13 novembre dernier, l’État français avait prolongé "l'état d'urgence" interdisant, entre autres, toute mobilisation. Mesures qui tombent mal, ou bien, selon les points de vue, pendant le tant attendu sommet sur le climat : la COP 21.

De nombreuses actions étaient organisées pour faire pression sur les gouvernements et montrer à quel point la situation climatique mondiale est dans l'urgence. Rassemblements, village mondial des alternatives, chaînes humaines, occupations, actions participatives, Paris a été le théâtre de la mobilisation et des citoyens qui ne veulent pas se taire.

Dans la foule des insurgés non-violents nouvelle génération, des Basques, militants écologistes de Bizi et Alternatiba. Alice Péré-Escanpes a passé une semaine a Paris et a participé aux différentes mobilisations dont le village mondial des alternatives. "Nous avons organisé plusieurs actions, dont un concert dans une banque BNP avec le groupe HK & Saltimbanks qui a rassemblé 200 personnes. Nous avons aussi occupé un siège social qui finance les énergies fossiles", rapporte la jeune femme. Militante au Pays Basque, elle explique qu'il était important pour elle de se mobiliser pour "des enjeux mondiaux".

Elise Dilet est aussi militante au sein de Bizi. Elle était chargée de réaliser le "+" de 23 mètres de haut du "+3°C SOS" : "nous voulons alerter et dire que l'accord signé amène un seuil de basculement climatique, alerte la jeune femme. Je me suis rendue à Paris pour le dernier week-end de la COP 21, c'était un rendez-vous incontournable, j'aurais regretté toute ma vie de ne pas y être allée, assure-t-elle.

Rassemblements annulés

Txetx Etcheverry, de Bizi et Alternatiba, était aussi de la partie. Il a, entre autres, participé à une chaîne humaine de 10 000 personnes, le 29 novembre : "Nous l'avons fait sur le parcours de la manifestation interdite. Tout s'est très bien passée". Car sous "l'état d'urgence" certains rassemblements place de la République ont été annulés : "certains sont un peu partis en sucette avec des affrontements très légers mais très médiatisés. Une quarantaine de cagoulés ont balancé des projectiles sur les forces de l'ordre qui, eux, ont balancé des gaz lacrymogènes et ont arrêté 300 personnes qui n'avaient rien à voir. Ça a donné des images, en plus, certains cagoulés ont pris des fleurs et des bougies pour les victimes des attentas pour les jeter sur les policiers… Mais cela n'avait rien à voir avec les rassemblements pour le climat."

Au lendemain de la signature de l'accord, samedi 12 décembre, autour du Champ-de-Mars à Paris, 20 000 personnes se sont rassemblées pour dénoncer "l'échec de la COP21 à empêcher le franchissement du seuil des 2 degrés de réchauffement, et pour déclarer l'Etat d'urgence climatique". Le rassemblement n'était pas autorisé par la préfecture jusqu'à la veille du rendez-vous. "Il a fallu s'adapter, nous préparions des choses sans savoir si nous pourrions les concrétiser", se souvient Alice Péré-Escanpes. D'après Bizi, "les barrages de police ont retenu plusieurs milliers de personnes à l'extérieur du Champ de Mars".

Forte présence policière

En effet, la présence policière était très forte : "sur la place les CRS fouillaient les sacs", raconte Elise Dilet. Elle pense que plus de personnes du Pays Basque se seraient mobilisées si "l'état d'urgence" n'avait pas été maintenu. Le bilan général des mobilisations reste positif : "le village des alternatives a réuni 30 000 personnes à Montreuil sur deux jours et s'est très bien passé. Il y a eu trois mobilisations, samedi 12 décembre, un grand succès sans incidents à déclarer : un "justice for peace" à travers Paris, les lignes rouges sur les Champs Élysées (10 à 15 mille personnes) pour laisser sous le sol les énergies fossiles, et le grand rassemblement sur le Champ de Mars devant la Tour Eiffel avec un meeting qui a rassemblé 20 000 personnes (dont 5 000 n'ont pas pu rentrer, à cause de la queue générée par les contrôles policiers)”, énumère Txetx.

Une ambiance "speed et parfois tendue", couronnée par un accord "désastreux". "Il n'y a aucune contrainte si l'accord n'est pas respecté, cela est très décevant", considère A. Péré-Escanpes. Elle souligne tout de même un aspect positif : "ces mobilisations ont fait bouger les choses". Pour Elise Dilet, "même si l'accord n'est pas à la hauteur, les gens se sont engagés au niveau des mobilisations", signe pour elle qu'il y a un espoir que le monde change.