Justine Giraudel

Le coût de la dispersion

Le droit de visite a un prix et il est élevé pour les familles et les amis des détenus basques. Au Nord comme au Sud, à la souffrance physique et mentale s'ajoute celle des finances.

Des chaînes humaines seront organisées le 10 décembre au nord et au sud du Pays Basque, avant les manifestations du 9 janvier. © Bob EDME
Des chaînes humaines seront organisées le 10 décembre au nord et au sud du Pays Basque, avant les manifestations du 9 janvier. © Bob EDME

En étudiant l'aspect économique du droit de visite dans un nouveau rapport (cf pièce jointe), l'association Etxerat poursuit son travail de sensibilisation sur la dispersion et ses conséquences sur les détenus basques, leurs familles et leurs amis. Les coûts des déplacements viennent gonfler celui de la "taxe de souffrance ajoutée", explique Janine Beyrie dont la fille, Lorentxa Beyrie, est actuellement incarcérée à Roanne.

Oihana Parot a 27 ans. Son père, Unai Parot, est incarcéré depuis 26 ans, et depuis 2007 à Puerto (Andalousie). Pour aller le voir, elle doit dépenser 200 euros. Un voyage qui lui coûte aussi quatorze heures de trajet pour parcourir les 2 200 kilomètres avec les bus des familles de détenus (au départ de Donostia).

Cela fait aujourd'hui plus de six ans que sa grand-mère n'a pas vu son fils. Unai Parot a été transféré dans différents établissements, a passé 22 années à l'isolement. "Le plus proche où il ait été est Madrid", explique la jeune femme. Elle se rappelle les trajets difficiles pour se rendre à Cordoue, enfant, et l'arrivée à quatre heures du matin, accompagnée de sa petite sœur et de sa grand-mère. "Il fallait attendre cinq heures dehors avant de pouvoir se mettre à l'abri."

Lorentxa Beyrie est incarcérée depuis quatorze ans, soit 68 mois ou 672 voyages pour sa famille et ses amis, égrène sa mère. Ses proches tiennent à lui assurer une visite chaque semaine. 715 kilomètres séparent Cambo de Roanne (Loire), huit heures de voyage en voiture (30 heures pour un aller/retour en train), un prix moyen de 300 euros pour chaque visite.

Le prix enfle lorsque les trajets sont effectués avec les enfants de la famille qui, à chaque vacances scolaires, viennent rendre visite à Lorentxa Beyrie. Pourtant, la jeune femme fait partie des détenus "rapprochés" selon la ministre de la Justice Christiane Taubira, explique Janine Beyrie. Elle était auparavant à Joux-la-Ville, "nous avons gagné 40 kilomètres de trajet en voiture". Une paille. Sur les 86 permis de visite auxquels a droit sa fille, une douzaine de personnes continue à se rendre à Roannes.

Une question qui piétine

Selon Etxerat, la dispersion a provoqué seize morts en l'espace de 26 ans parmi les familles et amis en route pour rendre visite à un détenu. Des chiffres qui ajoutent à la souffrance psychique et physique des familles et des détenus. Malgré les appels, aucune amélioration ne se profile à l'horizon.

"Ce mois-ci, l'Audience Nationale a refusé l'appel d'une vingtaine de prisonniers pour leur rapprochement - explique Muriel Lucantis, l'une des porte-paroles. En s'appuyant sur des arguments honteux", qui seront présentés dans les jours à venir par l'association, "et dont le principe général est que la dispersion ne violerait pas les droits essentiels".

La responsabilité de l’État français ne serait "pas des moindres", avec 91 détenus basques dispersés sur l'ensemble de l'Hexagone et une question qui piétine "pour étouffer aussi bien les détenus que leurs familles."

Rendez-vous

C'est pourquoi Etxerat réitère son appel à réaliser des "zazpi-kate", chaînes humaines, le jeudi 10 décembre et lance une invitation nationale à "Trois rendez-vous, une exigence : stop à la dispersion !", ce jour-là : à Gasteiz (devant le parlement basque), à Iruñea (devant le parlement de Navarre) à midi, et à Bayonne, place de la Liberté, à 18h30.

Ces rendez-vous auront lieu avant les deux manifestations organisées simultanément le 9 janvier prochain, à Bayonne et à Bilbo, par les collectifs Sare et Bagoaz : "Nous appelons la société entière, et toutes les personnes attachées aux droits essentiels pour remplir les rues", sous les slogans "Ensemble déplaçons les montagnes", "Rapprochement des prisonniers basques ! Droits de l’Homme, résolution et paix !"