Argitxu Dufau

Ixcanul : dans l'intimité d'une famille maya

Ixcanu a été projeté lors de la cérémonie d'ouverture, lundi 28 septembre, devant un public conquis. DR
Ixcanu a été projeté lors de la cérémonie d'ouverture, lundi 28 septembre, devant un public conquis. DR

Le film du Guatémaltèque Jayro Bustamente, Ixcanul, a ouvert le bal le 28 septembre. Il fait partie des dix longs métrages en compétition pour le convoité Abrazo d'or. Ixcanul a été projeté lors de la cérémonie d'ouverture, lundi 28 septembre, devant un public conquis. 



Pour son premier film, Jayro Bustamente nous plonge dans l'intimité d'une famille maya. L'enfant unique de cette famille, Maria, 17 ans, veut échapper à une vie calquée sur celle de sa mère. Difficile de fuir son destin au sein d'un peuple où la femme compte moins qu'un homme mais à qui on demande tant de sacrifices. Le film dévoile de près l'univers maya. De très près. Le réalisateur a voulu montrer ce peuple tel qu'il est jusque dans son intimité. Une intimité qui diffère avec l'occidental, qui gène, émeut ou surprend parfois, sans jugement aucun. Le temps du film, cette famille est le miroir du peuple maya. 


Le rapport au corps et à la sexualité est mis en avant. Mère et fille tiennent une relation très étroite, presque sans intimité individuelle. La mère lave, coiffe, habille sa fille et la touche comme on caresserait un nouveau né. La sexualité des personnages n'est pas cachée. Elle est à l'écran de façon crue, parfois, mais réaliste. La jeune fille ne connaît de la sexualité que celle de ses parents qui dorment dans la même pièce qu'elle. Elle apprend à apprivoiser son corps de jeune femme à l'écart de sa mère. Cette mère qui aime et surprotège son unique enfant, lui apprend à travailler et être une bonne épouse, mais ne lui apprend rien de son corps. 


Les mayas, comme d'autres peuples d'Amérique Latine, ont été évangélisés. Jayro Bustamente nous en montre les limites. Certes, les membres de cette famille prient “le Père, le Fils et le Saint-Esprit”, mettent des croix devant les tombes, chantent des chants d'église en espagnol, dont il ne comprennent même pas le sens, comme on leur a imposé, mais on n'efface pas des siècles de tradition comme cela. Sans le faire en signe de protestation, la famille continue à faire des offrandes au volcan, croit que tout est écrit et la notion de “péché” est relative.



La colonisation religieuse est palpable, celle du capitalisme américain l'est tout autant. Ces Mayas, loin de toutes usines et industries, vivant au milieu des récoltes de café, boivent de l'alcool et fument des cigarettes industrielles. Ils polluent eux-mêmes leur terre avec des pesticides miracles vendus par les industriels américains. Monsanto et les autres ne connaissent pas de frontières. Leur langue ancestrale semble pour l'instant préservée même si l'espagnol entre par la petite porte. Le film est intégralement proposé en langue maya. Une rareté dans un pays où le cinéma est inexistant.


A l'occasion de ce 24e festival, le public a la chance de découvrir ce peuple faisant partie des rares majorités discriminées. Les paysages sont superbes et les décors purement réalistes. Un film touchant, avec des amours aussi sincères que pudiques et des femmes fortes, robustes, prêtes à tous les sacrifices.