Justine Giraudel

Enseignement bilingue : beaucoup d'élèves, peu d'enseignants

Si la montée en puissance de l'enseignement bilingue ou immersif est un fait marquant de la dernière décennie, le manque d'enseignants se révèle problématique. Et pourrait freiner ce développement.

L'occitan serait confronté à la même pénurie d'enseignants. © Isabelle Miquelestorena
L'occitan serait confronté à la même pénurie d'enseignants. © Isabelle Miquelestorena

Mardi 15 septembre, la directrice et le président de l'Office public de la langue basque (OPLB), le recteur d'académie de Bordeaux, Olivier Dugrip, et le directeur académique des services de l'éducation nationale (Dasen), Pierre Barrière, ont présenté les chiffres de l'enseignement bilingue ou immersif en Pays Basque. Des résultats "satisfaisants", reflets de l'augmentation de l'offre et de la demande. Mais une crainte se fait prégnante : le nombre d'enseignants n'est pas à la hauteur d'un tel développement.

En dix ans le nombre d'élèves du primaire scolarisés en écoles bilingues ou immersives est passé de 6 000 à près de 10 000. Ils représentent aujourd'hui 37,3 % des effectifs. L'écart diminue dans les classes maternelles, où près d'un enfant sur deux (44%) suit ce type d'enseignement, et se creuse au collège et au lycée, malgré une nette augmentation des élèves. 16,2 % des collégiens sont scolarisés en bilingue ou en immersion (ils étaient 9,8 % en 2004), et 9,5 % des lycéens (contre 6,6 % il y a dix ans). 

La montée en puissance de l'enseignement bilingue ou immersif est évidente sur la dernière décennie. L'enseignement public a ouvert 34 sections. Plus de la moitié des écoles primaires publiques (53%) proposent désormais ces enseignements à leurs élèves (34 % en 2004). En y ajoutant les ouvertures de la fédération Seaska et de l'enseignement privé confessionnel, ils concernent 61 % des établissements du premier degré.

80% d'élèves issus de familles non bascophones

En l'espace de cinq à dix ans, le paysage scolaire a ainsi été bouleversé, assure le président de l'Office public de la langue basque, François Maitia. "La langue basque ne s'adresse pas à un public particulier, mais à l'ensemble des habitants du territoire". 80 % des élèves seraient issus de familles non bascophones et la demande s'étend sur l'ensemble du Pays Basque.

La rentrée 2015 a ainsi vu l'ouverture de cinq nouvelles classes ou établissements, bilingues ou immersifs : l'école de Bardos, en pays Xarnegu, le regroupement pédagogique intercommunal souletin d'Espès-Undurein et Charritte-de-Bas, les ikastola d'Ascarat (Basse-Navarre), de Bassussary et de Biriatou (Labourd).

Améliorer l'offre dans le secondaire

La continuité de l'enseignement est assurée sur l'ensemble du territoire, estime le Dasen. Même si elle "ne se fait pas assez parfaitement", selon le recteur d'académie. 28 collèges sur 39 proposent un enseignement bilingue (14 dans l'enseignement public, 11 dans le privé confessionnel et 3 de Seaska). Huit des 14 lycées sont eux aussi dotés de sections bilingues (ou immersives pour Seaska). Le lycée Cassin assure seul la relève de l'ensemble des collèges du BAB, et en cette rentrée, la classe a dépassé le seuil maximal, atteignant 36 élèves. Cette année, l'OPLB souhaite se pencher sur la question pour étendre l'offre dans l'enseignement secondaire.

Pénurie d'enseignants

Le recteur a souligné une politique cohérente et globale, ainsi que les "gros progrès" effectués ces dix dernières années. François Maitia a lui aussi salué des résultats encourageants, mais a tenu à nuancer ce tableau : "Nous faisons face à une pénurie d'enseignants". Sur les douze postes bilingues à pourvoir cette année, seuls trois enseignants ont été recrutés.

La crainte est bien de ne pas être en mesure d'accompagner l'augmentation des effectifs, et que le manque d'enseignants freine l'ouverture de nouvelles classes. "Il faut que les locuteurs s'ouvrent vers les métiers du professorat", explique le recteur, assurant que "l’État va augmenter les moyens budgétaires consacrés à la formation des enseignants". L'OPLB envisage trois moyens pour remédier à ce problème : la formation en langue basque des enseignants déjà en place, celle des étudiants se destinant à cette profession, et la sensibilisation des étudiants aux métiers de l'enseignement en basque.