Justine Giraudel

Elita risque la prison pour son homosexualité

Arrêtée en juillet 2015, à Hendaye, Elita pourrait être prochainement expulsée par l'autorité préfectorale. L'avenir de la jeune nigériane est en danger : en raison de son homosexualité, elle encourt une peine d'emprisonnement et des persécutions.

En janvier, la Cimade avait soutenu Ruslan Avdoyan, Yéménite d'Arménie. Il avait finalement été expulsé. © Sylvain Sencristo
En janvier, la Cimade avait soutenu Ruslan Avdoyan, Yéménite d'Arménie. Il avait finalement été expulsé. © Sylvain Sencristo

Elita a fui le Nigéria, en raison des risques encourus par les personnes homosexuelles dans son pays. Arrêtée au Pays Basque et conduite dans le centre de rétention administrative d'Hendaye (CRA), son avenir dépend de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Si ce dernier devait répondre négativement à sa demande d'asile, elle pourrait être expulsée. De retour au Nigéria, elle risquerait une peine d'emprisonnement, ou pire encore.

L'histoire de la jeune femme illustre les persécutions à l'encontre des homosexuels au Nigéria, et les écueils de la politique française pour les réfugiés. En début d'année, des voisins se sont introduits dans le logement qu'elle partageait avec trois de ses amies, à Enugu, sous prétexte de leur homosexualité. Elita est la seule à avoir pu s'échapper : en avril sa petite amie, Mary, a été brûlée vive à l'essence sur la place publique. Les deux autres jeunes femmes ont été condamnées à quatorze années d'emprisonnement.

Arrivée le 3 juillet à l'aéroport de Roissy, après s'être vue refuser l'entrée sur le territoire des Etats-Unis, Elita a été placée en zone d'attente le temps d'organiser son retour au Nigéria. Libérée par la juge des libertés, elle avait huit jours pour quitter le territoire français : le 24 juillet, elle a été arrêtée à Hendaye, alors qu'elle tentait de se rendre dans l’Etat espagnol pour y demander le droit d'asile.

"Suite à son interpellation, le préfet lui a notifié l'obligation de quitter le territoire français, et l'a placée en rétention le même jour", explique Francisco Sanchez Rodriguez, défenseur des étrangers retenus et juriste de la Cimade. "Elle a actuellement fait une demande d'asile, et j'ai moi-même saisi la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) de cette situation", dans l'attente de la décision de l'OFPRA, office qui octroie, ou non, le statut de réfugié et les demandes d'asile.

Prouver son homosexualité

Le rendez-vous était fixé aujourd'hui, à 14 heures : la jeune femme doit prouver son homosexualité par visio-conférence et accompagnée d'un interprète. Une procédure accélérée, réservée aux réfugiés des centres de rétention. "Comment prouver un comportement, une identité liée à notre essence même, dans ce genre de situation ?", interroge Francisco Sanchez. La Cimade n'a eu que quelques jours pour préparer le dossier de la jeune femme.

Pour lui, le préfet des Pyrénées-Atlantiques aurait pu "admettre la jeune femme au séjour", compte tenu de sa vulnérabilité et des risques liés à sa sexualité, dans son pays d'origine. Elle se serait alors rendue à la préfecture et aurait pu entamer des démarches pour faire reconnaître son statut de réfugiée. Mais "pour répondre à une politique du chiffre", ajoute-t-il, le placement en rétention a été décidé. Empêchant la procédure "normale, de droit commun".

A compter d'aujourd'hui, l'OFPRA aura 96 heures pour rendre son jugement. Si la demande d'asile est refusée, la jeune femme sera expulsable : "nous pourrons faire appel devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), mais cet appel ne suspendra pas l'expulsion." Et Elita pourrait être reconduite au Nigéria (où elle est recherchée), sous escorte policière, avant même d'avoir été entendue par le juge de l'asile.

Soixante demandes, quatre réponses positives

Une procédure particulièrement délicate : en poste depuis plus de deux ans dans le CRA, le juriste témoigne avoir déposé plus de soixante demandes pour des réfugiés retenus à Hendaye. Seules quatre ont abouti, dont une pour un jeune homosexuel du Nicaragua. La Cimade et l'association les Bascos expliquent "qu'entretenir des rapports sexuels avec des personnes de même sexe est illégal dans 76 Etats, et à l'origine de persécutions." "Dans sept Etats, et certaines régions du Nigéria, les homosexuels sont même menacés de mort", ajoutent-ils.