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Athènes exerce sa souveraineté face à la Troika

Les grecs ont adressé un message limpide à la Troika : les politiques d'austérité doivent cesser. Le "non" s'est imposé avec plus de 60 % des votes, et le Premier ministre, Alexis Tsipras, s'est montré disposé à reprendre les négociations dès aujourd'hui, lundi 6 juillet. La Commission européenne se prépare à une conférence extraordinaire, au cours de laquelle elle fixera sa position, mardi 7 juillet.

Le premier ministre Alexis Tsipars appelait les grecs à voter "Oxi" ("Non") au référendum. © Aris MESSINIS/AFP PHOTO
Le premier ministre Alexis Tsipars appelait les grecs à voter "Oxi" ("Non") au référendum. © Aris MESSINIS/AFP PHOTO

Dimanche 5 juillet, la Grèce lançait un message de rejet implacable aux politiques d'austérité imposées par la Troika. La large victoire du "non", promu par le Premier ministre, Alexis Tsipras, a mis en évidence une société hellène ne supportant plus les ajustements, et exigeant un nouveau modèle européen. Plus de 60 % des votants ont rejeté les plans des institutions (Banque centrale européenne (BCE), Commission européenne et Fonds monétaire international (FMI)). C'est maintenant au tour de Bruxelles de déplacer ses pions. Pour l'instant, Jean-Claude Juncker, président de la commission, analyse les résultats, en compagnie des leaders de l'Eurozone. Une conférence extraordinaire se tiendra ce mardi 7 juillet. Pour sa part, Tsipras a réitéré son intention de reprendre le dialogue aujourd'hui même.

"C'est une victoire de la démocratie face au chantage", a-t-il proclamé au cours d'une intervention télévisée, avant même que ne s'achève le dépouillement. "La question n'est pas de rester ou non en Europe, mais quel modèle européen nous souhaitons", un argumentaire qu'il a accompagné de la défense des valeurs de "solidarité et [de] démocratie". Il a reconnu qu'"il n'y a pas de solutions faciles, mais il y a des solutions justes lorsque chaque partie fait preuve de bonne volonté". A l'image du ministre des Finances, Yánis Varoufákis [lequel a posé sa démission - voir Info associée], il s'est montré conciliant face aux membres européens, invités à "coopérer". Sur la table, deux questions clés : la dette et la solvabilité des banques. "Une restructuration de la dette est nécessaire", a-t-il fait remarquer, signalant que son mandat poursuit l'objectif de ne pas faire retomber le poids du paiement sur les secteurs défavorisés, mais sur ceux ayant le plus de ressources.

La balle dans le camp européen

"Je suis bien conscient que le mandat que vous m'avez remis n'est pas un mandat de rupture, mais celui d'une solution pérenne", analysant ainsi cette large victoire comme une légitimité supplémentaire, à l'heure des négociations. Le problème est qu'un pacte se signe à deux, et les premiers messages envoyés par Bruxelles et Berlin ne sont pas encourageants. Le président du Parlement européen, Martin Schulz, considérait qu'Athènes doit présenter une proposition. Alors que les urnes étaient encore ouvertes, cherchant à influencer le résultat, il sortait l'artillerie lourde en assurant qu'un triomphe du "non" supposerait que la Grèce abandonne l'euro. Plus provocateur, le vice-chancelier allemand, Signar Gabriel, considérait qu'Athènes avait "rompu tous les ponts".

Il s'agira de voir si ces premières déclarations ne sont que des feux d'artifices, produits de frustration face à un résultat désavantageux pour leurs intérêts, ou s'ils anticipent une position plus dure au moment de négocier. Varoufákis a réitéré la nécessité de trouver un accord entre aujourd'hui et demain, confirmé par d'autres sources de l'exécutif grec consultées par GARA. Cependant, ils est certain que les institutions (Troika) avaient basé une bonne part de leur stratégie sur la défaite de Tsipras dans les urnes. Il s'agit aujourd'hui de réévaluer leur position. La nuit devrait être longue dans les centres de commandes de Bruxelles, Paris ou Berlin. Ils est prévu que des rencontres se maintiennent aujourd'hui, pour préparer la conférence extraordinaire de demain.

Dans ce contexte, il ne faut pas oublier l'urgence de certaines questions. La première, celle des liquidités des banques grecques. Cela fait aujourd'hui une semaine que les établissements bancaires sont fermés, pour le contrôle des capitaux. Plusieurs leaders de l'exécutif grec ont insisté sur le fait que les restrictions seraient levées dès demain, mais le dernier mot reviendra à la BCE.

La nouvelle proposition grecque s’appuiera sur le rapport du FMI

Euclid Tsakalotos, un des principaux négociateurs grecs dans les conversations avec la Troika, a présenté hier les lignes maîtresses de la stratégie grecque, suite au référendum. Elles s'appuieront sur deux piliers : le rapport du FMI, lequel reconnaît que la dette grecque est insoutenable, et un nouveau mandat pour Athènes, protégé par la volonté du peuple grec.

"Nos créanciers doivent se rendre compte que la réalité a changé", a déclaré Tsakalotos à la chaîne britannique Sky News. Après avoir pris connaissance des résultats, François Hollande et la chancelière allemande, Angela Merkel, se sont accordés pour demander un sommet extraordinaire des chefs de l’État et du gouvernement de l'eurozone. Une première rencontre se déroulera aujourd'hui, à laquelle participeront les "numéro deux" des ministres de l'Economie de la zone euro. Elle revêtira un aspect technique. Selon les informations, de sources européennes, une téléconférence devrait être organisée à 16:00.

Le gouvernement grec a assuré qu'il "fera tout son possible" pour trouver un accord avec ses créanciers internationaux, selon les déclarations du porte-parole de l'exécutif, Gabriel Sakellarídis, à la télévision grecque. "Les négociations devraient aboutir très rapidement, peut-être même dans les 48 heures. "

Traduction de GARA