Justine Giraudel

A Bapaume, le courrier des détenues basques peut être retenu

Une note de service de Bapaume prévoit la retenue des courriers de certains détenus, dont deux basques. Un contrôle violant le droit de libre correspondance, dont s'offusque leur avocat.

Au Pays Basque, les familles et les mouvements citoyens luttent pour les droits des détenus basques. © Sylvain SENCRISTO
Au Pays Basque, les familles et les mouvements citoyens luttent pour les droits des détenus basques. © Sylvain SENCRISTO

Une source anonyme a récemment fait parvenir à l'Observatoire International des Prisons (OIP) un document interne émanant du centre de détention de Bapaume (Nord-Pas-de-Calais) et datant de fin mard 2015. Il prévoit un dispositif de surveillance, pouvant aller jusqu'à "bloquer le courrier" de deux détenues basques. "J'ignore si le courrier a été ouvert ou lu, j'ai seulement la preuve de l'existence de cette note", avertit Maître Alexandre Braud, avocat au barreau de Béthune. Note qui bafouerait une liberté fondamentale, la confidentialité du courrier entre avocat et prisonnier.

La liberté de confidentialité du courrier entre avocat et prisonnier garantit deux droits fondamentaux, ici bafoués : le secret professionnel et le droit d'organiser librement sa défense. "On ne touche pas au principe sacré de la relation secrète entre l'avocat et son client. En faisant sauter cette garantie, on est dans un état dictatorial", s'insurge l'avocat.

Pour l'OIP, la consigne de Bapaume "enfreint directement la loi pénitentiaire" selon laquelle "ne peuvent être ni contrôlées ni retenues les correspondances échangées entre les personnes détenues et leurs défenseur, les autorités administratives et judiciaires françaises et internationales, dont la liste est fixée par décret". La rédaction de MEDIABASK a tenté de contacter la direction du centre, sans succès.

L'avocat, en concertation avec l'OIP, a déposé un référé-liberté auprès du Tribunal administratif. Une procédure d'urgence pour atteinte aux libertés fondamentales de deux détenues basques du quartier femmes, Alaitz Aramendi Jaunarena et Oihana Garmendia Marin. Réponse du Tribunal, le caractère d'urgence n'a pas été retenu. Ce qu'il conteste. Un recours devrait être posé avant la fin de la semaine, ainsi qu'un référé de suspension concernant cette note de service.

Le traitement particulier des détenu(e)s basques

Selon Me A. Braud, un traitement particulier serait bel et bien réservé aux détenues basques, dont les noms apparaissent suivis de la mention "DPS, Basque" pour l'une ("détenu particulièrement signalé"), et "Suivi Basques" pour l'autre. En accompagnant sa cliente Alaitz Aramendi Jaunarena, il a pris connaissance d'autres mesures, dont des réveils nocturnes répétés subis par les jeunes femmes (toutes les deux ou trois heures). "En faisant leurs manœuvres, ils cherchent à les contrôler entièrement et cristallisent leur statut particulier. C'est la raison pour laquelle il faut monter au créneau."

Agir pour faire réagir : au-delà de l'issue des procédures, le combat se construirait sur leur lancement. "Cet encerclement doit être brisé. (...) Il y a des détenues qui s'effondrent pour moins que çela." Etabli dans le Pas-de-Calais, cet avocat généraliste a une particularité, celle "d'aller dans les prisons" et de travailler au plus près des détenus. Dans ce cadre, il a rencontré Alaitz Aramendi Jaunarena et Oihana Garmendia Marin, deux Bizkaitar incarcérées pour appartenance à l'organisation ETA (2007 et 2009).