Antton ETXEBERRI

EDITO - L'arme du Pays Basque : l'engagement de chacun

Antton Etxeberri (Sylvain SENCRISTO)
Antton Etxeberri (Sylvain SENCRISTO)

L'opération menée conjointement par la police française et la Garde civile espagnole la semaine dernière à Biarritz a été menée à grand renfort médiatique, alimenté par un gouvernement espagnol qui présente ces arrestations comme un grand coup porté à l'organisation ETA. Quatre jours après la débâcle subie par les partis espagnolistes, le PP de Rajoy a sans aucun doute voulu déplacer le curseur médiatique, et faire renaître les recettes du passé dans son combat idéologique contre le Pays Basque. Cette cache de Biarritz, annoncée au début de l'opération comme la plus grande prise depuis 2002, sera finalement constituée d'une trentaine d'armes de poing. Plus qu'un coup porté contre la structure militaire d'ETA que les différents services de renseignement eux-mêmes qualifient d' “hors d'état de nuire”, les polices française et espagnole ont voulu tromper l'opinion, en ravivant l'idée qu'ETA serait toujours un danger pour la société.

Alors que l'organisation clandestine demande depuis plus de trois ans aux gouvernements français et espagnol de s'impliquer dans un processus de paix que réclame la société du Pays Basque, ceux-ci s'entêtent dans les méthodes du passé. Sous la surveillance d'experts internationaux qui ont une grande expérience des résolutions de conflits à travers le monde, l'organisation ETA s'est engagée à démilitariser ses structures et invite les gouvernements français et espagnol à se retrouver autour d'une table pour travailler sur les conséquences du conflit armé qui les a opposés. Les Etats français et espagnol savent pertinemment que les armes qui ont été retrouvées à Biarritz avaient pour seule destination d'être rendues. Refusant de se réunir avec ETA pour cela, ces gouvernements jouent une fois de plus la carte de la répression, au grand désespoir de tous les acteurs politiques du Pays Basque qui s'engagent pour un véritable processus de paix. Le seul message qu'envoie l'Etat français en lançant cette opération à Biarritz est celui d'appuyer Madrid dans son positionnement hostile vis-à-vis du processus de paix.

Nathalie Chasseriaux, propriétaire de la maison dans laquelle ont été retrouvées les armes, a été présentée lundi devant un juge antiterroriste à Paris. Il en est de même pour Enrique Lopez, qu'un grand quotidien régional bien connu au Pays Basque présente sans aucun problème comme “être un etarra légal, c'est-à-dire appartenant à l'organisation terroriste de longue date, mais n'ayant jamais été connu pour des faits répréhensibles”. Les deux personnes déférées ont été mises en examen et emprisonnées pour “association de malfaiteurs en relation avec une entreprise  terroriste”.

Ce chef d'accusation qui s'applique aux militants basques depuis des dizaines d'années est-il celui qui convient ? Est-on un terroriste quand on participe à une action qui consiste à permettre à des armes démilitarisées d'être rendues ? La situation est complexe : il s'agit d'aboutir à cette phase de démilitarisation en rendant des armes à des experts internationaux, mandatés entre autres par l'ancien secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, ou l'ancien directeur d'Interpol, experts que ne veulent pas reconnaître comme tels les gouvernements français et espagnol. On en arrive donc à la situation ubuesque dans laquelle des citoyens du Pays Basque doivent prendre des risques pour permettre cette démilitarisation. Face à la répression qui est toujours visiblement dans l'agenda de l'Etat français, et pour mettre en place ce processus de paix, la seule arme du Pays Basque reste pourtant l'engagement de chacun pour mener à bien ce processus de paix.