Antton ETXEBERRI

EDITO : A quand LE grand club de rugby du Pays Basque ?

Antton Etxeberri
Antton Etxeberri

Le projet de fusion entre l’Aviron Bayonnais et le Biarritz Olympique Pays Basque n’est plus d’actualité, si l’on en croit les propos du président bleu et blanc. Lors d’une conférence de presse quelque peu surréaliste (même les Renseignements Généraux s’y étaient invités), M. Mérin a littéralement craqué devant la pression populaire et médiatique. Le rapprochement envisagé avec le rival blanc et rouge aura finalement provoqué une hystérie incroyable, qui aurait même abouti à des menaces contre la famille et l’entreprise du président de l’Aviron Bayonnais, selon ses propres dires. Une chose est de soutenir son club et refuser de le voir se marier avec son plus grand “ennemi”, l’autre chose est d’en arriver à en perdre la raison et d’en arriver à menacer la famille d’un dirigeant de club. La passion que l’on peut éprouver pour son club ne justifie en rien de tels agissements : visiblement, la bêtise humaine a encore de beaux jours devant elle.

Ce nouvel épisode dramatique, qui met une fois de plus en relief les relations ô combien compliquées entre les deux clubs pro de rugby de la côte basque, passionne jusqu’à déraison. Les tentatives avortées du passé, dans lesquelles Serge Blanco et Alain Afflelou s’étaient déjà cassés les dents face à la pression des supporters des deux clubs, nécessitaient de la part des dirigeants biarrots et bayonnais une certaine discrétion, s’ils souhaitaient avancer dans une réflexion saine sur le sujet d’un rapprochement des deux clubs. Une fois que la presse l’a rendue publique, la rencontre voulue discrète entre Serge Blanco et Manu Mérin est devenue une volonté de passage en force des présidents afin de mettre tout le monde devant le fait accompli, sans concertation. Si la forme de cette rencontre controversée a de quoi déboussoler et énerver les supporters anti-fusion, il n’en demeure pas moins que sur le fonds, les deux présidents de clubs doivent pouvoir se retrouver pour échanger sur leurs difficultés sportives et financières respectives. Le rugby basque qui s’enorgueillit depuis des années d’avoir deux clubs distants d’à peine cinq kilomètres au sein de l’élite n’est pourtant pas dans une situation des plus réjouissantes côté sportif : avec une équipe biarrote qui va pour la deuxième année consécutive participer au championnat de Pro D2, et une équipe bayonnaise qui, à une journée de la fin du Top 14, est en position de la rejoindre, les résultats ne sont pas à la hauteur des espérances. Quant au côté financier, il semble que la situation ne soit pas plus folichonne pour les deux clubs.

Même si les supporters les plus bruyants ne veulent absolument rien entendre concernant une fusion éventuelle, la responsabilité des deux présidents biarrot et bayonnais n’est-elle pas d’envisager l’avenir pour le meilleur de leurs clubs respectifs ? Est-il irresponsable de la part de MM. Mérin et Blanco d’avoir entamé une discussion sur l’avenir du rubgy professionnel au Pays Basque ? Même si les discussions semblent difficiles vu les débordements qu’elles provoquent, la réflexion qu’ont voulu entamer les deux présidents est néanmoins nécessaire pour le rugby pro au Pays Basque. Les projets de fusion ont toujours été redoutés. Souvenons-nous des deux clubs voisins bas-navarrais de Garazi et Baigorri qui ne voulaient pas en entendre parler ; finalement, cela aura été possible.

Au risque de retrouver les deux meilleures équipes du Pays Basque en Pro D2, voire en Fédérale (n’oublions pas qu’une relégation au niveau inférieur est toujours possible sur tapis vert, compte-tenu des situations financières difficiles), la réflexion est donc indispensable, n’en déplaise à ceux qui ne veulent rien entendre. Maintenir deux clubs dans l’élite du rugby français, c’est doubler les difficultés pour leurs dirigeants : les actionnaires, les partenaires, les sponsors, les subventions publiques, la masse salariale, enfin les supporters...

Nombreux sont les dirigeants et supporters de chacun des deux clubs de rugby qui défendent le statu quo au nom d’une identité propre, à grands renforts de drapeaux basques et d’“hegoak” chanté à tue-tête. Cette identité, beaucoup moins présente (voire totalement absente) lors des conférences de presse ou durant les matchs et réceptions qui suivent où l’euskara peine à se faire entendre, ne pourrait-elle pas être le vecteur commun qui permettrait à tout un territoire de soutenir une seule et même équipe pour le Pays Basque ? Au lieu de se disputer cette identité basque, les clubs bayonnais et biarrot n’auraient-ils pas plus à gagner en l’assumant d’une seule et même voix, en portant les valeurs de notre pays ? La question reste posée... en attendant que l’on puisse en débattre sereinement.