Justine Giraudel

Disparition de l'Observatoire des violences faites aux femmes

Après quatre années de réflexion et d'engagement, l'Observatoire des violences faites aux femmes "est mort", suite au retrait de l’État.

Martine Bisauta était entourée des élus des communes d'Hendaye, Saint-Jean-de-Luz, Biarritz et Boucau. © Isabelle Miquelestorena
Martine Bisauta était entourée des élus des communes d'Hendaye, Saint-Jean-de-Luz, Biarritz et Boucau. © Isabelle Miquelestorena

Martine Bisauta, membre fondatrice de l'Observatoire des violences faites aux femmes, a annoncé ce jeudi 21 mai, la disparition du groupe d'intérêt public (GIP). Suspension ou cessation d'activité ? "A ce jour, personnellement je n'entrevois pas de perspective pour la suite". Elle est apparue en colère, entourée d'élus représentant la moitié des communes parties prenantes du dispositif. Tous se sont dits "anéantis" par l'annonce du désengagement de l’État, rendue publique le 28 avril dernier par la Préfecture.

Une annonce qui aurait signé l'arrêt de "mort" de l'Observatoire : la pertinence du dispositif reposait sur la réunion de l'ensemble des acteurs concernés par les violences faites aux femmes, au Pays Basque. Communes, parquet, hôpital, commissariat, associations, collectifs et préfecture se réunissaient depuis la fin de l'année 2010 pour pallier les carences en la matière sur le territoire, relevées de longue date.

La mise en liquidation judiciaire du CIDFF (centre d'information pour le droit des femmes et des familles) du Département en février dernier présageait pourtant une avancée pour ce GIP, dont la pertinence semblait avérée. Il fédérait huit communes, trois autres communes projetaient de les rejoindre, dont Ustaritz (le conseil municipal devait se positionner cette semaine). Une initiative intercommunale (au sens large), originale et remarquée par les autres territoires de l’État français.

De la création à l'abandon

Quatre années ont été nécessaires pour structurer ce qui, à l'origine, n'était qu'une instance de réflexion. Avec le concours de l'ensemble des partenaires, dont la Préfecture, le choix d'une instance juridique de type GIP fut arrêtée et la convention solennellement signée le 4 octobre 2013. Il fallut plus d'un an pour lever le premier blocage, à savoir le refus de l’État d'accorder une subvention de 8 000 euros (correspondant à un transfert d'affectation) : qu'à cela ne tienne, les communes décidèrent d'assumer cette somme, équilibrant le budget prévisionnel (inférieur à 50 000 euros). L'arrêté préfectoral de création du GIP était signé le 4 novembre 2014.

Face à la lourdeur administrative d'un GIP relevant du droit public, le préfet conseilla alors aux membres de l'Observatoire la mutation en GIP de droit privé. Un groupe de travail s'est formé, pour modifier la convention. Lors des séances, la préfecture avait demandé la modification des missions de permanences juridiques, ce qui fut refusé (les modifications devant être collectivement débattues et acceptées). L'Assemblée Générale constitutive du nouveau GIP, de droit privé, était prévue pour le 4 mai.

Le 28 avril dernier, la Préfecture annonçait le désengagement de l’État par un communiqué de presse. Les arguments avancés ne convainquent pas les membres, lesquels ne comprennent toujours pas, aujourd'hui, les raisons l'ayant conduit à abandonner un projet auquel il participe depuis sa création. Ces derniers mois, un "revirement de situation" serait intervenu. Pour l'adjointe bayonnaise, il pourrait être le fruit "d'une décision locale" et s'expliquer par la territorialité du dispositif.

La présence indispensable de l'Etat

L'Observatoire peut-il survivre à l'absence d'un représentant de l’État ? Pour Martine Bisauta, la réponse est "non", car la dynamique partenariale, sur laquelle repose la réussite du dispositif, serait mise à mal. La présence de l’État garantirait celle du commissariat, de l'hôpital, du parquet, de certaines associations sociales. "Pour preuve, aucun d'entre eux n'était présent le 4 mai".

La réunion a été maintenue. "Au lieu d'une Assemblée Générale constitutive, nous avons eu une assemblée de personnes tristes". L'idée de se transformer en association aurait instantanément germé dans l'esprit de certains membres, refusant de laisser "gâcher" la richesse des échanges, de l'énergie et des partenariats créés au cours de ces quatre années. A ce jour la fondatrice, accablée, ne se positionne pas : "Je suis assez lucide pour me rendre compte que l'enfer est pavé de très bonnes intentions."

Paradoxe, le GIP de droit public existe toujours et serait aujourd'hui "une coquille vide".