Argitxu Dufau

"Il n'y a rien de mieux que la pression citoyenne"

Attac a l'intention d'amener deux sièges des banques HSBC et BNP Paribas aux agents des finances publiques, le 19 mai. Joint par téléphone, le porte-parole Thomas Coutrot explique l'action.

Thomas Coutrot, durant l'action contre la banque BNP Paribas (©Attac France)
Thomas Coutrot, durant l'action contre la banque BNP Paribas (©Attac France)

Aujourd'hui, mardi 19 mai, à 9 heures, des militants d'Attac et du collectif Sauvons les riches remettront des chaises "empruntées" aux banques HSBC et BNP Paribas à des agents des finances publiques afin de leur assurer "une bonne assise durant leur lutte contre la fraude et l'évasion fiscale". Il s'agit aussi "d'une avance en nature sur l’argent que BNP Paribas et HSBC doivent à l’État français du fait de leur activité dans les paradis fiscaux et judiciaires". Une action symbolique justifiée par le porte-parole du mouvement altermondialiste, Thomas Coutrot.

Pourquoi cette action ?

Thomas Coutrot : Il s'agit de montrer que nous souhaitons aider le fisc français à mieux lutter contre l'évasion fiscale organisée par les grandes banques françaises notamment HSBC et BNP Paribas. Nous voulons manifester notre préoccupation devant le manque de moyens dont souffre le fisc pour mener à bien ses missions. Symboliquement, nous leur prêtons main forte en leur proposant du mobilier emprunté aux banques responsables de l'évasion ficale. 

Pourquoi le fisc a du mal à mener à bien ses missions ?

T. C. : Nous constatons que la révision générale des politiques publiques a été réduite considérablement par les politiques d'austérité. Les agents de contrôle et surtout le personnel de la direction générale des impôts sont en manque d'effectifs, de manière croissante. Ils ont donc beaucoup de difficultés à mener à bien leur mission. Evidemment, nous ne pouvons pas proposer de bénévoles pour travailler à leurs côtés car cela suppose des qualifications qu'il n'est pas facile de trouver. En tout cas, nous pouvons leur apporter un soutien matériel, c'est le but de l'opération.

Qui a les clefs pour lutter contre l'évasion fiscale ? Le législateur ?

T. C. : Le législateur pourrait très bien décider que les banques opérant en France ne doivent pas avoir de filiales et développer des transactions financières avec des juridictions non-coopératives ou notoirement opaques comme le sont les îles Cayman, Jersey, les îles vierges... Il y a une controverse sur la liste exacte de ces juridictions non-coopératives.

Nous nous basons sur la liste de l'ONG Justice Network, la plus crédible au niveau international sur cette question. C'est une bonne base pour que le législateur exige des banques des explications détaillées sur leurs activités dans ces territoires et de préférence interdisent aux banques exerçant en France de développer des filiales et des transactions avec ces territoires.

Le législateur et les services fiscaux ont la compétence pour recouvrer l'impôt et donc limiter les stratégies d'optimisation et d'évasion fiscale menées à grande échelle par les banques et les multinationales aujourd'hui.

Certes, il y a une plus grande transparence, grâce à la loi bancaire de 2013, car on sait plus précisement quelles sont les implantations des banques mais ça n'a pas changé la nature de leur implantation. Elles ont toujours une activité intense et contraire aux intérêts du budget de l'Etat et des citoyens français.

Que reste-t-il à faire du côté législatif ?

T. C. : Il reste tout à faire, la transparence ne suffit pas. Il faut maintenant interrompre ces pratiques. L'Etat peut le faire, malheureusement depuis de nombreuses années, il n'a pas montré une grande volonté. C'est pour cela que l'action citoyenne doit inciter voire le forcer sous la pression de l'opinion publique à prendre des mesures plus rigoureuses.

L'évasion ficale est à une échelle internationale, est-ce que des actions citoyennes locales ont du poids ?

T. C. : Je pense que cela peut contribuer à mettre sous pression nos gouvernants pour qu'ils prennent enfin des mesures efficaces. Un état comme la France peut prendre des mesures efficaces pour limiter la fuite des capitaux de ses ressortissants vers des paradis fiscaux. L'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) et le G20 nous ont promis un système d'échanges automatiques d'informations avec l'ensemble des états et aussi des paradis fiscaux mais ça n'est toujours pas concrétisé.

Les Etats-Unis ont imposé à leurs banques et aux étrangères l'obligation de transparence sur les comptes des ressortissants américains à l'étranger. S'ils l'ont fait, je ne vois pas pourquoi l'Union Européenne ne le fait pas. C'est une question de volonté politique et je pense qu'il n'y a rien de mieux que la pression citoyenne pour donner la volonté politique aux gouvernants qui a priori sont en manque.