Justine Giraudel

Podemos

En l'espace d'une année, le jeune parti anti-austérité a su se faire une place sur l'échiquier politique espagnol. Avec une entrée retentissante aux élections européennes dernières, où il récoltait 8% des suffrages cinq mois à après sa formation, il se prépare aujourd'hui activement aux prochains scrutins électoraux. 2015, une année décisive pour cette gauche, qui annoncerait la fin du bipartisme dans l'Etat espagnol.

 

L'Assemblée Citoyenne de Podemos du 18 et 19 octobre derniers. © Dani POZO / AFP
L'Assemblée Citoyenne de Podemos du 18 et 19 octobre derniers. © Dani POZO / AFP

''Le vent du changement a commencé à souffler'' a déclaré Pablo Iglesias, le jeune leader (36 ans) du nouveau parti espagnol Podemos lors de la marche du 31 janvier 2015 à Madrid, premier grand rassemblement de ce parti. Dans son article, Le Monde fait état de dizaine de milliers de personnes rassemblées pour cette ''marche du changement'', ce terme devenant ainsi leitmotiv.

''Près d'une semaine après la victoire de Syriza en Grèce, c'est au tour du parti espagnol Podemos de faire résonner le message anti-austérité en Europe'' explique le journaliste. Cette jeune formation a choisi la place de la Puerta del Sol comme lieu d'arrivée et de rassemblement, dans le centre de la capitale. Place où, le 15 mai 2011, des centaines de milliers de manifestants s'étaient rassemblés, lançant le mouvement bientôt international des ''indignés'', racines de Podemos. Entre autres slogans, à l'époque : ''Le peuple, uni, n'a pas besoin de partis''.

Iñigo Errejon, second leader, âgé de 31 ans, a clairement affiché leurs intentions : "Nous sommes venus célébrer le fait qu'en 2015, le peuple va récupérer la souveraineté !". Car les scrutins seront nombreux cette année, et de taille pour ce parti qui a soufflé sa première bougie en janvier. Le mois de mars ouvrira le bal des élections régionales avec l'Andalousie – celles de Catalogne se dérouleront en septembre, axées sur l'enjeu de l'indépendance – puis des élections municipales auront lieu en mai, et les législatives prévues pour novembre ou décembre détermineront le prochain président du Gouvernement.

Seconde force politique de l'Etat espagnol

Et le parti se prépare activement à ces échéances électorales. Dans son édition du 4 février dernier, Naiz a présenté un sondage réalisé entre le 2 et le 12 janvier derniers par le Centre de Recherches Sociologiques et dans lequel Podemos supplanterait le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) si une élection devait avoir actuellement lieu. Pour rappel, Podemos remportait 8 % des suffrages aux élections européennes de 2014, cinq mois seulement après sa création.

Le Parti Populaire (PP) de Mariano Rajoy (actuel président du Gouvernement) se maintiendrait à la tête des intentions de vote avec 27,3 % ; Podemos le suivrait avec 23,9 %, raflant la seconde place du PSOE, qui se contenterait de 22,2 %. Relayée à un niveau européen dans la presse, cette enquête sonnerait le glas du bipartisme espagnol, attesterait de l'espoir citoyen dans les mouvements anti-austérité et confirmerait la montée de la gauche européenne.

Première place en Navarre

A l'image de son extension sur la péninsule, le parti ferait une irruption quasi fracassante outre Bidasoa. Navarrómetro (sondage de la communauté autonome navarraise) prévoyait en novembre dernier sa première place aux prochaines élections du Parlement de Navarre, avec l'accession à dix-huit sièges (selon Público) ; EH Bildu (abertzale de gauche) détiendrait la seconde position avec onze sièges, tandis que l'Union du peuple navarrais (UPN – à droite de l'échiquier politique) perdrait son statut de leader et dégringolerait à la troisième place passant de 19 à 8 sièges. Le Parti Socialiste de Navarre ne conserverait que cinq de ses neuf parlementaires. De quoi recomposer le Parlement, et attiser l'incrédulité des politiques en place. La porte-parole du PPN (droite) s'est déclarée ''très surprise'' par ces résultats et a affirmé que ''ce ne seront pas ceux qui sortiront des urnes au mois de mai prochain''.

Le même son de cloche résonne chez les sondeurs de la Communauté Autonome Basque (CAB) (sources Eitb.eus) : l'Euskobarómetro prédit lui aussi une victoire pour le nouveau parti de gauche. Si le PNV (abertzale de centre) se maintiendrait en première position, avec 22 ou 23 sièges, il serait talonné de peu par la jeune formation qui en obtiendrait 22, passant devant EH Bildu qui chuterait de 21 sièges actuels à 13 ou 14.

Mais les sondages restent des projections incertaines. Les élections des municipalités et des Députations Provinciales (institutions qui administrent et gouvernent les provinces) ne sont pas gagnées d'avance pour ce jeune parti qui en est toujours à une phase de structuration et de détermination. Notamment sur les territoires de la Catalogne et du Pays Basque, où ses prises de position sur la question de l'autodétermination et les alliances qu'il nouera seront décisives. Et ne manqueront pas d'influer sur son avenir au gouvernement, à Madrid.

 

 

Les huit moments clés de Podemos (source : El País)

1 – 14 janvier 2014, le manifeste de Podemos : "Bouger les lignes", avec ce titre la plateforme lancée par trente citoyens du monde de la culture et de l'activisme social a permis à Iglesias de recueillir 50 000 approbations du 17 au 18 février pour partir en campagne en vue des élections européennes.

2 – Le 11 mars, la formation s'inscrivait au registre des partis politiques du Ministère de l'Intérieur.

3 – Tout au long de la campagne électorale la parti prenait de l'ampleur grâce à la communication par les réseaux sociaux et des rencontres constantes avec les citoyens.

4 – Dans la nuit du 25 mai, le parti célébra sa première victoire : il a remporté 8 % des votes aux élections européennes.

5 – Suite aux élections, Iglesias entre en négociations à Bruxelles pour candidater à la présidence du Parlement Européen.

6 – Du 18 au 19 octobre, l'assemblée citoyenne de Podemos désigne le groupe de Pablo Iglesias comme représentant, entre cent autres compétiteurs dont Pablo Echenique et Teresa Rodríguez.

7 – A l'automne, les sondages fleurissent, faisant de Podemos la troisième (voire la seconde) force d'Espagne, et sonnent le glas du bipartisme.

8 – Le 31 janvier, la marche pour le changement : des milliers de personnes rejoignent le parti pour une manifestation contre l'austérité, à Madrid.