Argitxu DUFAU

Garikoitz Mujika libéré, après six ans de prison

Garikoitz Mujika, dit Gari, a été libéré ce 29 janvier de la prison d'Alacant (Communauté de Valence).

Garikoitz Mujika (Mediabask)
Garikoitz Mujika (Mediabask)

Après six ans d’incarcération, Garikoitz Mujika a quitté la prison d’Alacant (Communauté de Valence) pour retrouver sa maison d’Ustaritz. Il fait partie de la vague de jeunes militants de la gauche abertzale arrivés au Pays Basque Nord au début des années 2000.

Journaliste de la revue Xirika (ancien hebdomadaire de jeunes en langue basque) puis de la radio Info7 situé à Urrugne, il avait été arrêté en février 2005 sous le coup d'un mandat d'arrêt européen (MAE), puis relâché. La Cour de cassation de Paris avait confirmé en seconde instance sa remise à la justice espagnole. Cette décision avait été appliquée le 4 août, après une seconde arrestation à Saint-Pée-sur-Nivelle.

En attente de son procès, il avait été libéré sous caution en 2006, puis, finalement condamné en 2009 à six ans de prison ferme pour “appartenance à un groupe terroriste” par le tribunal espagnol Audiencia Nacional, dans le cadre du procès des mouvements de jeunes de la gauche abertzale Jarrai-Haika-Segi.

L'exemple de Garikoitz Mujika "Gari" illustre cette époque pas encore révolue d'une longue série d'illégalisations de partis, mouvements et dynamiques, de délits d'opinion, de macro-procès ou autres MAE. Les procédures initialement intégrées dans le dossier “18/98” du juge Baltasar Garzon, par exemple, représentent une dizaine de procès et plus de 200 personnes mises en examen.

Fuir la justice espagnole

Des jeunes âgés d'une vingtaine d'années pour la plupart, politisés et militants. L'illégalisation tour à tour de leur organisation les oblige à fuir une justice espagnole qui les enferme des années “en détention provisoire”, les torture parfois, et les condamne à des peines de prison ferme. Certains d'entre eux s'exilent au Pays Basque Nord où le MAE les menace. C’est le cas de G. Mujika.

Cette procédure judiciaire est entrée en vigueur en 2002 au lendemain des attentats du 11 septembre, dans le but de remplacer le système d'extradition, afin d’accélérer les formalités entre les États membres de l’Union Européenne. Son application peut avoir des conséquences réductrices de libertés individuelles, “une fois qu’une personne est remise, les autorités judiciaires espagnoles prennent de grandes libertés et outrepassent leurs droits. Il faut être très vigilant”, confiait l’avocate Amaia Recarte au Journal du Pays Basque en novembre 2012.

La collaboration franco-espagnole durant le conflit au Pays Basque n’est pas nouvelle : expulsion de l’Etat français dans les années 60 pour “maintien de l’ordre public et des raisons impérieuses de sécurité nationale”, “la rafle” du 3 octobre 1987, le GAL… Depuis les années 2000, cette volonté commune de “lutter contre le terrorisme” prend, notamment, la forme du MAE. L'Etat espagnol et indirectement l'Etat français criminalisent les initiatives politiques et même parfois culturelles de la gauche abertzale pour appartenance à des mouvements et activités politiques publiques telles que des réunions ou conférences de presse.  

Les jeunes militants de cette époque ne sont pas épargnés. L'Etat espagnol présente à la justice française des mandats d'arrêts européens à répétition, à l’encontre de ces jeunes dont l’organisation est illégale sur le sol espagnol mais pas sur le sol français. Dans la grande majorité des cas, la France l'accorde et les remet à la justice espagnole.

Torture

Lors de leur procès, nombreux d’entre eux dénoncent des cas de torture comme lors du procès “des 28 jeunes de Segi” de septembre dernier : “menacé par des phrases comme 'Tu vas manger tes morts'”, témoignages recueillis sous “des coups et des humiliations”, “menaces sexuelles” ...

Cette répression s'inscrit dans la théorie que défend corps et âme le juge Baltasar Garzon le “tout est ETA”. C'est dans la même lignée qu'ont lieu ce que l'on appelle les macro-procès : “l'affaire des herriko taberna”, “le macro-procès des 28 jeunes”, “le macro-procès des 40 jeunes”... Des centaines de personnes ont été jugées et condamnées pour leurs activités politiques, associatives et parfois professionnelles.