Arantxa manterola

Militant discret jusqu'au bout

Didier Rouget est mort ce 5 janvier dans la soirée. Ce juriste a passé sa vie à défendre la cause des opprimés, notamment, celle du peuple basque. Le dernier dossier qu'il a défendu est celui d'Inès del Rio dont l'issue favorable a permis la mise en liberté de 70 détenus basques.

Didier Rouget a été emporté par une longue maladie.
Didier Rouget a été emporté par une longue maladie.

Juriste, il est né à Paris il y a 62 ans. Issu d'une famille bourgeoise de culture protestante, il a commencé à militer dans les comités d'étudiants. Le Bac en poche, il est entré dans le monde du travail par La Poste. C'est là qu'il s'est formé sur le plan syndical et qu'il a entamé son parcours de militant de gauche. En 1974, convaincu que la lutte doit se mener depuis la classe sociale que l'on défend, il intègre l'usine Peugeot de Lille.

En suivant le fil conducteur de la lutte anticapitaliste et anti-impérialiste, il s'est impliqué dans de nombreuses luttes : antinucléaire, contre les centres de rétention, contre le fascisme, dans la défense des sans-papiers, des ouvriers et intellectuels d'Europe de l'Est, des peuples qui luttent pour leur liberté comme le Vietnam, la Palestine, le Kurdistan et le Pays Basque. Son premier contact avec ce dernier a été le procès de Burgos, en 1970.

En 1985, il quitte l'usine pour reprendre ses études. Il choisit le droit et se spécialise dans les droits de l'Homme. Sa thèse doctorale porte sur les dispositifs et conventions pour la prévention de la torture, chose peu habituelle aux débuts des années 90, comme le lui ont fait remarquer les membres du jury qui ont validé sa thèse avec la mention cum laude.

Engagé dans la lutte pour le Pays Basque, il a aidé personnellement les exilés basques emprisonnés ou assignés à résidence au nord de l'Etat français et leurs familles.

En 1998, il s'installe à Ustaritz. Il y poursuit sa militance et s'investit dans les luttes locales comme celle de l'opposition à la LGV. Il est également conseiller municipal jusqu'en 2014.

Il a mis ses qualités de juriste spécialisé dans les droits de l'Homme au service des Basques. Ainsi, il s'investit corps et âme dans les dossiers qui concernent les Basques poursuivis par les justices française et espagnole pour leurs engagements politiques, puis il intègre le groupe d'avocats qui les défend. En relation avec le Comité pour la prévention de la torture, ces dernières années, il s'est occupé de cas de torture et a réussi à faire condamner pour la première fois trois gardes civiles dans le dossier Kepa Urra, en 1997. Ce dernier avait subi de mauvais traitements lors de son arrestation cinq ans auparavant.

Condamner l'Etat français

Didier Rouget a également porté devant le Tribunal de Strasbourg plusieurs dossiers. Entre autres, celui qui a conduit le Comité contre la torture des Nations Unies à condamner l'Etat français en novembre 1999 pour la remise en 1987 de Josu Arkauz à l'Etat espagnol, où il fut torturé.

Malgré la complexité et la lourdeur des procédures, il a défendu plusieurs dossiers dans des instances internationales. La majorité des recours présentés devant le Tribunal européen des droits de l'Homme ces dernières années, tel que celui des partis abertzale Herri Batasuna, Euskal Herritarrok et Batasuna, et dernièrement la doctrine Parot portent son empreinte.

Pour ce dernier, en lui donnant raison, le Tribunal avait permis la libération de la détenue basque Inès del Rio à qui la justice espagnole avait appliqué la doctrine 197/2006, dite Parot. Décision qui a engendré la mise en liberté de près de 70 détenus basques et qui a modifié le regard de certains secteurs du système judiciaire espagnol et international vis-à-vis de la politisation de l'application des lois sur les détenus basques.

Sobre, discret, constant, engagé… Ce sont les adjectifs avec lesquels ses proches le définissent. Un de ces hommes qui luttent toute leur vie et qui manquera au Pays Basque.