Béatrice MOLLE HARAN

Écosse et Catalogne

Deux processus pour deux territoires de l'Union Européenne, l'Écosse et la Catalogne, aspirent à exprimer leur volonté quant à leur devenir institutionnel. L'Union Européenne a les yeux rivés sur ces deux nations sans état et sur les processus engagés en 2014. Processus annonciateurs d'un changement de mentalité et de la nécessité d'une Europe des peuples.

Rassemblement de Gure esku dago à Donostia
Rassemblement de Gure esku dago à Donostia

L’année 2014 a été marquée par l’organisation d’un référendum en Écosse et d’une consultation en Catalogne portant sur l’indépendance de ces nations sans état. Deux processus diamétralement différents.

En Catalogne, le processus a été unilatéral, le gouvernement espagnol étant fermement opposé à la tenue d’un référendum car le considérant comme anticonstitutionnel. Le Parlement de la Generalitat a fait voter une loi autorisant une consultation sur son indépendance qui a eu lieu le 9 novembre dernier avec le succès que l’on connaît.

Là où Madrid s’est montré inflexible, considérant cette consultation illégale, Londres a négocié la tenue d’un référendum en Écosse. Référendum qui a eu lieu le 18 septembre : avec une participation historique, les Écossais se prononçaient à 45% en faveur de l’indépendance. 55,3% répondaient non à la question "L’Écosse doit-elle être un pays indépendant". Ce référendum a  des conséquences politiques considérables au sein du Royaume-Uni et en Europe.

Au départ, ce référendum était une revendication du Scottish National Party (SNP), principal parti indépendantiste qui arrivera au pouvoir en 2007 en remportant une majorité relative des sièges au Parlement d’Edimbourg. Majorité qui lui permettra de constituer un gouvernement avec à sa tête Alex Salmond, leader du parti indépendantiste SNP qui deviendra le premier ministre d’Écosse.

Les élections de 2011 conforteront les indépendantistes du SNP en leur offrant une majorité absolue au Parlement d’Edimbourg. Après des négociations parfois tumultueuses, les gouvernements écossais et britanniques ont signé l’accord d’Edimbourg en 2012 qui précisait les modalités de l’organisation du référendum.

Conséquences politiques en Écosse 

Tous les sondages réalisés depuis les années 90, jusqu’en juin 2014, estimaient entre 30 à 35% le nombre de personnes soutenant l’indépendance, ce qui selon certaines sources avait convaincu David Cameron d’autoriser le référendum. Nombre d’électeurs indécis ont pu être également convaincus et rassurés par le fait qu’Alex Salmond, après une excellente campagne, avait promis que l’Écosse indépendante garderait la livre sterling, resterait une monarchie dirigée par Elisabeth II et intégrerait l’Otan.

Le 27 novembre dernier, le Premier ministre David Cameron promettait de mettre en place d’ici le 25 janvier 2015 un projet de loi dite de "dévolution" permettant un transfert de pouvoirs promis par les responsables politiques quelques jours avant le référendum afin de faire pencher les électeurs en faveur du "non" à l’indépendance.

L’ensemble des partis se sont engagés à voter cette loi quel que soit le résultat des prochaines élections législatives du 7 mai prochain. Dans les transferts qui seront mis en œuvre figurent des taux d’imposition différents, une relative autonomie fiscale, le droit de vote à 16 ans ainsi qu’une amélioration de la couverture sociale. Cet accord a reçu l’assentiment enthousiaste des travaillistes écossais et l’entourage du Premier ministre sans pour autant satisfaire les indépendantistes qui entendent capitaliser leurs résultats.

 Catalogne ou l’échec de Rajoy 

Avec 2,3 millions de votants et 80% de suffrage exprimé en faveur de l’indépendance, le front souverainiste catalan a pour sa part démontré sa force malgré le processus unilatéral dans lequel il s’était engagé. La question, posée le 9 novembre dernier, date de la consultation était : "Voulez-vous que la Catalogne soit un État" et "dans le cas affirmatif souhaitez-vous que cet État soit indépendant ?".

Une question que le gouvernement de Mariano Rajoy a jugé illégale mais que le Parlement de la Generalitat a approuvé, faisant suite à une mobilisation civile sans précédent, et ce depuis le 11 septembre 2012, date à laquelle une manifestation monstre rassembla plus d’un million de personnes aux cris de "Catalogne, un nouvel état d’Europe". S’ensuivra le blocage de Madrid concernant le pacte fiscal qui provoquera des élections anticipées le 25 novembre 2012 avec, dans le programme des forces souverainistes, une consultation sur le futur politique de la Catalogne. 

Après ce "oui" massif à l’indépendance du 9 novembre dernier, le gouvernement espagnol a attaqué en justice le président de la Generalitat Artur Mas (CIU parti nationaliste de centre-droit). La procédure est en cours. Artur Mas a proposé de nouvelles élections anticipées sans en préciser la date mais dont l’objectif serait de proclamer l’indépendance de la Catalogne un an et demi après la célébration de ces mêmes élections en cas de victoire des indépendantistes.

Par ailleurs, Mas propose pour ces prochaines élections l’élaboration d’une liste unique formée par les forces politiques en faveur de l’indépendance mais également par des "experts reconnus" et des membres de la société civile. La principale force de gauche républicaine indépendantiste ERC est sollicitée.  

Son leader Oriol Junqueras est enclin à négocier au-delà d’une liste unitaire. Car des scandales financiers ont éclaboussé une figure emblématique de CIU, Jordi Pujol ex-président de la Generalitat. ERC serait donc plus que jamais en orbite pour gagner ces élections.