Julien MALLET
Entrevista
Jean-Michel Clément
Avocat, député LRM de la 3e circonscription de la Vienne

Jean-Michel Clément : Cette volonté de tourner la page noire et sanglante du Pays Basque me plaît

L’avocat poitevin Jean-Michel Clément (63 ans), député LRM de la 3e circonscription de la Vienne, connaît bien le milieu carcéral. Il visite régulièrement le centre pénitentiaire de Vivonne, où sont détenus Raul Aduna Vallinas et Josu Urbieta Alkorta. Membre de la commission des lois de l'Assemblée Nationale, ce proche de Ségolène Royal, qui a effectué ses deux premiers mandats dans les rangs du groupe socialiste au Palais Bourbon, est venu à la rencontre des membres du collectif Bagoaz à Poitiers fin novembre. Il fait partie des personnalités politiques qui ont signé le manifeste “Au risque de la paix” soutenant la manifestation du 9 décembre à Paris.

Le député poitevin Jean-Michel Clément. © DR
Le député poitevin Jean-Michel Clément. © DR

Pour quelle raison soutenez-vous le processus de paix ?

Jean-Michel Clément : En qualité de parlementaire, il n’existe pas de sujets qui ne nous concernent pas, nous sommes des élus de la Nation toute entière. Mais surtout, la question des minorités ne m’a jamais laissé indifférent. A commencer par celle des Basques, en particulier, à laquelle je m’intéressais déjà lorsque j'étais un jeune étudiant en droit.

C'est-à-dire ?

J.-M Clément : En ma qualité d’avocat, je suis un homme attaché aux droits de la défense et toujours plus enclin à défendre les minorités ou les plus faibles. La singularité du Pays Basque en tant que région a toujours été pour moi une curiosité. Et ce qui s’est passé sous Franco m’a sensibilisé durablement. J’apprécie ce territoire et les gens qui y habitent et le revendiquent. Mais pas à n’importe quel prix, je suis contre la violence. Le problème est que certaines causes sont embrassées par des individus qui lui nuisent plus qu’ils ne la défendent.

Personnellement, je préfère regarder ceux qui la défende culturellement et économiquement, comme c’est le cas avec les Artisans de la paix aujourd’hui. Ce qui me plaît dans leur démarche, c’est leur volonté de tourner la page noire et sanglante du Pays Basque. J’apprécie aussi leur approche de vouloir rétablir une certaine forme de confiance. Et dans ce sens, le rapprochement des prisonniers basques de leurs familles participera de cette réconciliation que tout le monde appelle. C’est une démarche positive.

L’Exécutif actuel a-t-il la volonté de faire avancer les choses ?

J.-M Clément : Nous sommes entrés dans une culture sécuritaire à tout crin qui n’est pas de nature à favoriser les initiatives. Personnellement, je n’ai pas voté la dernière loi sur la sécurité intérieure qui va trop loin à mon sens. J'estime surtout qu'il faut arrêter de porter atteinte aux libertés individuelles. Le fait de faire rentrer l’État d’urgence dans l’Etat de droit ne me satisfait pas.

C’est vrai qu’aujourd’hui, le climat n’est pas bon. Sans parler des politiques de dispersion menées par les états français et espagnols…

J.-M Clément : Oui mais je crois aussi que tout le monde voit le temps qui passe, les prisonniers qui vieillissent, et leurs familles en même temps. L’heure est venue de faire preuve d’un peu plus d’humanité. Punir un homme est une chose, ne pas l’exclure en est une autre. La politique actuelle sanctionne non seulement celui qui a commis un crime, mais aussi ses parents, ses enfants, qui n’ont rien fait et ne sont dans une très grande majorité des cas pour rien dans cette situation.

Vous êtes membres de la commission des lois de l'Assemblée Nationale. Les députés ont-ils un rôle à jouer ?

J.-M Clément : Je ne crois pas qu’une proposition de loi changerait les choses, c'est d’une autre politique publique qu'il faudrait décider. Parce que la question de l’éloignement est aussi liée à la gestion des flux. Sur ce point, on sait que l’administration a une certaine latitude et procède déjà à des transferts de détenus. Moi qui me rends régulièrement dans des prisons, je vois les situations évoluer. Quand on y trouve beaucoup de détenus éloignés de leurs familles, on y découvre un mauvais climat intérieur. Puis les choses s’apaisent quand on les rapproche de leurs conjoints, leurs enfants et leur famille.

Bien évidemment, la question des prisonniers basques est autrement plus complexe et cela ne se fera pas comme ça. Les établissements doivent aussi appliquer les directives qu’ils reçoivent. Et la création d’une mission parlementaire uniquement centrée sur eux a peu de chance de voir le jour. En revanche, si les parlementaires se mobilisaient pour en créer une sur la gestion des flux et la sécurité intérieure dans les prisons, incluant la radicalisation, les prisonniers basques, les détenus corses, les malades psychiatriques, etc., c’est-à-dire s’ils abordaient ce dossier d’une façon plus globale, cela pourrait permettre de lever certaines crispations. Et faire enfin tomber les barrières. J’en suis persuadé.