Alain KRAUSZ

Competitiv’Eko : la synthèse

Le projet transfrontalier d’identification des domaines d’excellence à développer via les fonds européens a fait le point, le 21 novembre dernier à la Cité de l’Océan de Biarritz, sur sa première année d’activité.

Au commencement, étaient les “stratégies nationales et régionales de recherche et d’innovation pour une spécialisation intelligente” (stratégies RIS3). Concrètement, l’Europe demande aux différents territoires de mettre autour d’une table leur tissu d’entreprises, les organismes d’enseignement-recherche, les collectivités et la population (représentée par le Conseil économique, social et environnemental régional) afin de déterminer les points forts et les potentiels d’excellence qui pourraient bénéficier de financements communautaires plus efficacement ciblés. L’enjeu : créer des synergies entre acteurs afin de définir et structurer les politiques d’innovation.

Mais forte de ses nombreuses initiatives transfrontalières, notamment via la chambre de commerce Bihartean, la CCI Bayonne Pays Basque voulait voir plus loin. “Nous nous sommes aperçus que chaque région était en train de définir sa stratégie de spécialisations en tenant compte de ses données et entités économiques propres, sans tenir compte de la région voisine. Alors nous avons pensé qu’il pourrait être intéressant d’apporter une valeur ajoutée à cette réflexion en réfléchissant à la convergence des stratégies de spécialisation avec chacun des territoires qui sont déjà nos partenaires historiques, à savoir la Navarre et Euskadi. Ceci afin de développer une chaîne de valeur, un pôle transfrontalier, qui puisse amener une économie différente, plus de business, des brevets supplémentaires dans l’innovation”, résume Olga Irastorza, qui supervise le projet pour Bihartean.

L’originalité de la démarche séduit le programme européen de coopération transfrontalière Espagne-France-Andorre (Poctefa), créé afin de promouvoir le développement durable des territoires frontaliers des trois pays, qui choisit d’en devenir le principal bailleur. L’initiative est en effet riche de promesses : si les territoires frontaliers pyrénéens concernés par le Poctefa représentent une population de vingt millions d’habitants, ce sont 40 % du territoire et 30 % des habitants et du PIB européens qui sont concernés par le transfrontalier. “Après la disparition de la contrebande, on redécouvre que les frontières sont de véritables ressources économiques”, rappelle Mathieu Bergé, délégué à la coopération transfrontalière et européenne de la Région Nouvelle-Aquitaine.

C’est ainsi que Competitiv’Eko est officiellement lancé le 15 décembre 2016. Dans un premier temps, c’est l’Institut basque de la Competitivité Orkestra, de l’Université de Deusto, qui s’est chargé de réaliser et de mettre en cohérence les trois analyses des stratégies de recherche et innovation des territoires, identifiant ainsi quatre domaines d’activité sur lesquels des chaînes de valeurs transfrontalières pourraient être établies. “Il était très important de faire la partie d’analyse pour savoir d’où on partait avant d’arriver à travailler avec les entreprises et centres technologiques”, note Olga Irastorza. Parallèlement, un outil inédit de modélisation fine des flux d’économie locale, Local Shift, allait découper en 380 secteurs d’activités publics ou privés les économies du Pays Basque Nord, Euskadi et Navarre et leurs flux économiques respectifs internes, entre les trois territoires, et avec le reste du monde. Les données recueillies allaient permettre de mieux identifier les possibilités de réduire les importations inutiles et de renforcer les parts de marché locales. Il fut aussi important de mettre en place un plan de communication qui permette d’offrir une bonne visibilité au projet à son développement, via le web, les réseaux sociaux et une lettre d’information.

Depuis juillet 2016, trois domaines ont été mis au programme de Competitiv’Eko. Le quatrième, portant sur les énergies nouvelles, dont notamment l’énergie éolienne, a été mis en veille pour des raisons de particularités des entreprises du secteur, ainsi que les véhicules électriques. Le premier domaine à avoir franchi le cap des ateliers de travail, le 4 octobre dernier, fut la santé. Baptisé Innomed Consortium, le groupe de travail a réuni 46 participants de toute la chaîne de valeur : cliniques, fabricants de matériels, centres technologiques et d’expertise. Ce premier atelier a permis de mieux définir les priorités inspirées par l’étude préliminaire. L’objectif dégagé consiste à faire de nos territoires une destination de solutions médicales sur mesure, offrant des solutions personnalisées de santé, en particulier sur les maladies chroniques, dégénératives, liées au vieillissement ou à la pratique de sport de haut niveau. Une offre médicale résolument tournée vers le haut de gamme, qui combine aussi bien fabricants de solutions techniques que l’usage des Big Data, et démarre dès la prévention. Pour Beñat Jaureguy, chef de projet pour la CCI Bayonne Pays Basque, ce premier “workshop” a confirmé la justesse des travaux préliminaires et le choix des secteurs : “À peine plus d’un mois après l’atelier, il y a déjà des rencontres avec du chiffre d’affaires derrière !”

Sélectionné comme deuxième domaine de potentiel, l’agro-alimentaire fut traité en ateliers au début du mois de novembre. L’essentiel des conclusions porte sur un développement de l’usage du numérique et de ce qu’il peut apporter dans la vente (en ligne), le marketing et la définition d’aliments fonctionnels ainsi que la transparence consommateur, l’optimisation des processus de production, ou encore le recyclage et l’économie circulaire. Cet atelier baptisé Agro Food Digital avait réuni 45 participants.

Le dernier domaine, dont l’atelier de travail aura lieu le 12 décembre, n’est pas des moindres puisqu’il concerne un ensemble de technologies qui sont en train de révolutionner nombre de secteurs industriels : la fabrication additive. Popularisée par les fameuses imprimantes 3D, qui permettent déjà à tout un chacun de créer des figurines en plastique comme des pièces détachées devenues introuvables, elle concerne désormais des matériaux plus intéressants comme les métaux, ou même des matériaux biocompatibles (utilisables médicalement, comme dans les prothèses implantées). L’ambition de Competitiv’Eko n’est rien moins que de bâtir une “Additive Valley”. Pour ce faire, dans un premier temps, il s’agira de disséminer la connaissance sur la fabrication additive, identifier des leaders locaux en fabrication additive métallique, plastique, aller chercher des donneurs d’ordres, et créer des synergies avec le tissu de PME/PMI local.

A l’issue des trois années du projet Competitiv’Eko, en mai 2019, deux pôles de coopération transfrontalière pérennes émergeront afin d’assurer la continuité des développements et partenariats lancés.

— Plus d’informations : http://competitiveko.eu