Bénédicte SAINT-ANDRÉ

Naparra : l’interminable attente

La section de recherches de la gendarmerie de Pau a tenté de localiser la dépouille de "Naparra" ce mardi matin. Son frère a été tenu à l’écart, après 37 ans de "lutte personnelle et familiale".

Eneko Etxeberria, le frère de José Miguel Etxeberria, ne peut pas assister aux fouilles. ©Bob EDME
Eneko Etxeberria, le frère de José Miguel Etxeberria, ne peut pas assister aux fouilles. ©Bob EDME

Il est 9 heures ce mardi matin quand Eneko Etxeberria se gare sur la place du village de Brocas, au nord de Mont-de-Marsan, dans les Landes. L’homme est sec, un peu nerveux. Mais son émotion n’affleure que très rarement. Quand il évoque un éventuel échec dans les recherches. Alors, il soupire. Et les mots lui manquent.

Il avait 17 ans quand son frère, José Miguel Etxeberria, membre des commandos autonomes anticapitalistes, a disparu. Il en a aujourd’hui 53. Le temps a fait son oeuvre, incomplète. L’absence de corps a empêché le deuil pour lui et ses parents. Il pense là à sa mère, âgée de 88 ans. "C’est aussi pour elle tout ça."

A l’époque BVE, le groupe parapolicier espagnol revendique à six reprises l’enlèvement puis l'assassinat, en précisant par deux fois que le corps est à proximité de Mont-de-Marsan. Pendant 37 ans, Eneko Etxeberria et sa famille rechercheront la vérité. Une première piste les conduit à Saint-Jean-de-Luz. En vain.

Un signe

"Nous attendions alors un signe, une information venue des tréfonds de l’Etat espagnol." Elle arrivera l’hiver dernier, via un journaliste basé en Amérique du sud. Sa source, anonyme, est dite proche du terrorisme d’Etat. Elle livre un tas d’informations jusqu’alors restées confidentielles. L’une d’entre elles concerne le Pays Basque. Bien que l’homme dise ne pas avoir participé à l’opération, il situe précisément l’endroit où le corps de "Naparra" pourrait être enterré .

Les faits étant prescrits en France, l’avocat de la famille Iñigo Iruin saisit un juge de l’Audiencia National, Ismael Moreno, pour enquêter sur la base de ce nouvel élément. Les informations sont jugées crédibles. Une commission rogatoire est ouverte. "Alors, évidemment, beaucoup de choses remontent. Toutes les batailles menées. On sent qu’elles pourraient enfin porter leurs fruits."

Il est dix heures à Brocas. Six voitures se succèdent sur la départementale vers Labrit. Gendarmes, juge, mais aussi Paco Etxeberria, médecin légiste, Iñigo Iruin, l’avocat de la famille. Eux assisteront aux recherches, pas Eneko Etxeberria. Il restera là devant les deux gendarmes bloquant l’accès, à attendre, encore, en grillant des cigarettes.

Un combat personnel, familial

Cette histoire, il n’en a pas fait une lutte politique, mais un combat personnel, familial, confie-t-il. Pourtant, il le sait, "Naparra" appartient aussi à l’Histoire de son pays, à cette guerre sale. "Il faut que l’on sache nous, la famille mais il faut également que tout le monde sache." Trouver le corps d’abord, puis le faire parler. Reconstituer l’Histoire. 

A 11 h 30, une pelleteuse commence le travail au loin. Lui fait les cent pas. De clope en clope, il est 13 heures. La voiture de l’avocat et du médecin quittent le site. Il court à leur rencontre. Les premières recherches n’ont rien donné. Les équipes vont se restaurer avant d’explorer un second périmètre l’après -midi, dans la même zone. "Il faut continuer d’espérer", lâche-t-il dans une bouffée, avant de rejoindre sa voiture. Seul.