Bénédicte SAINT-ANDRÉ

La Contrôleure générale des prisons alerte sur la situation des détenus basques

Les détenus basques sont systématiquement éloignés de leurs proches, ce qui porte atteinte au droit au maintien des liens familiaux, dénonce Adeline Hazan dans son rapport annuel. Une voix de poids.

En juin, Adeline Hazan était auditionnée sur le sujet par la commission des lois (Capture d'écran)
En juin, Adeline Hazan était auditionnée sur le sujet par la commission des lois (Capture d'écran)

Adeline Hazan n'a pas le pouvoir d'injonction mais celui de recommandation, "dont elle use" sourit-elle. Dans son rapport annuel rendu public ce mercredi, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, autorité publique indépendante, dresse un portrait sévère de la politique pénitentiaire appliquée aux détenus basques, qu’elle n'hésite pas à qualifier de politique de dispersion systématique.

Sur 81 personnes incarcérées fin 2016, 86 % le sont à plus de 400 kilomètres d’Hendaye, pose-t-elle. "Ces détenus sont éloignés de leurs proches, ce qui porte très clairement atteinte à leur droit au maintien des liens familiaux". Une problématique d'autant plus prégnante chez les femmes du fait de l’absence d’établissement pour peine dans la moitié sud. 

Pour rendre cet avis, une première pour l'institution, Adeline Hazan a beaucoup consulté. Outre les dizaines de lettres de l'association Etxerat et des détenus eux-mêmes, elle a reçu une délégation de la commission des juristes pour la paix au Pays Basque, des représentants de la gauche abertzale et échangé longuement avec la députée socialiste Colette Capdevielle.

"Un profil de dangerosité plus particulièrement identifié"

Forte de ces témoignages, elle a saisi la direction de l’administration pénitentiaire pour préconiser un rapprochement ou tout au moins, solliciter la mise en œuvre de mesures palliatives : augmentation de la durée des parloirs, accès facilité aux parloirs familiaux, aux unités de vie familiale, et éventuelles aides financières.

"On m'a répondu en des termes très vagues qu'il n’y avait pas lieu de faire plus. Pourtant la situation des détenus basques est spécifique du fait de la durée de leur peine et de leur éloignement", regrette-t-elle.

Dans sa réponse, l'administration met en avant "un profil de dangerosité plus particulièrement identifié" chez ces détenus. Adeline Hazan regrette que la fin de la lutte armée ne soit pas prise en compte. "Cela devrait influer davantage à mon sens sur les décisions prises", assène-t-elle.

L'heure n'est pourtant pas à la résignation. Le rapport sera remis dans les prochains jours aux présidents de la République, de l’Assemblée nationale et du Sénat. "Il est une pierre de plus à l’édifice pour que l’administration pénitentiaire assouplisse sa position". Le jugement à la pluralité des voix est le seul qui ait le sens commun, dit-on. Les prémices du droit commun ?

 

La loi :

Le droit au respect de la vie privée et familiale et au maintien des liens familiaux en détention sont consacrés par la Convention européenne des droits de l’homme et par l’article 35 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009.

La conclusion du rapport :

"La Contrôleure générale ne peut que constater, au regard de cette réponse, qu’aucune mesure particulière n’est prise ni même envisagée par l’administration pénitentiaire pour compenser sa politique d’affectation consistant à disperser de façon systématique les personnes basques sur tout le territoire. Dans ces conditions, la Contrôleure générale considère qu’une telle politique, justifiée dans des termes particulièrement vagues, est attentatoire au droit au maintien des liens familiaux de ces personnes".