Laurent PLATERO

La douce mélancolie d'Isaac Cordal à Bayonne

Il ne reste plus que quelques jours pour découvrir l'exposition “La Comédie humaine” d'Isaac Cordal, à La Poudrière à Bayonne.

© Isaac CORDAL
© Isaac CORDAL

Isaac Cordal a la grâce. Celle des contemporains qui critiquent les dérives de la société sans oublier d'y mettre de la poésie. Ses sculptures de béton ont la saveur d'une réalisation technique réussie et d'une émotion provoquée. L'artiste espagnol crée des personnages, figés par le matériau sec, dans une situation qui en évoque beaucoup.

Qu'ils soient en costume-cravate ou en combinaison, ces humains statufiés portent les déguisements de gens rentrés dans des cases. Leur visage est fantastique d'expression, entre cri horrifié ou silence désespéré. Le visiteur a comme une envie de les soutenir, de leur taper fraternellement sur l'épaule. Car ces hommes d'une vingtaine de centimètres ne créent pas de distance avec celui qui les regarde : ils en sont le miroir.

Attaché-case à la main, masque à gaz sur le visage, téléphone portable vissé à l'oreille : ils interpellent pour réveiller les esprits ensevelis par le quotidien. Peu de couleurs sur ces créations : l'acte figé et les postures désemparées suffisent à saisir la teinte de leur âme.
L'émoi suscité par les sculptures prend toute sa force lorsque l'artiste les place en situation. Cet homme recroquevillé, endormi de léthargie, n'est-il pas plus touchant, étalé au milieu de feuilles mortes, des cœurs répandus au sol qui auraient brisé le sien ? Ce représentant tendu, sur le point de franchir le pas du désespoir, n'est-il pas troublant sur le rebord d'une fenêtre, le vide en dessous de sa minuscule existence ?

Isaac Cordal propose donc in situ certaines de ses œuvres, enfermées dans des cages ou sur une scène digne d'une usine périlleuse aux centaines d'employés. Des photographies ont immortalisé des mises en scène faites dans les villes, aux quatre coins du monde. En haut des immeubles ou dans des coins sombres, la grâce de l'artiste a sa place partout.

La douce mélancolie qui se dégage de ces personnages ne déplaît pas, elle permet d'ouvrir les yeux sur le monde réel, et de rêver un peu. Car ces hommes sur le précipice sont emplis d'espoir, celui d'un nouveau chemin qui les mènerait vers une renaissance, celui qui rappelle au visiteur que le spleen est un cousin de la joie, et que chacun peu choisir de rebondir pour ne pas s'écraser.

— Au Bastion Royal, de 14 heures à 18 heures. Entrée libre.