Chloé REBILLARD

Michel Salomé : La situation à Calais est la plus dure depuis au moins 25 ans

Trois questions à... Michel Salomé, président de l’association l’Auberge des Migrants qui intervient sur Calais et Dunkerque. Un an après le démantèlement de la jungle de Calais, la situation s’est largement dégradée sur le terrain selon lui. Invité par le collectif Etorkinekin ce vendredi 27 octobre à 19 heures à Ustaritz pour témoigner de son expérience, il livre à MEDIABASK un premier aperçu de la situation.

En octobre 2016, il y a tout juste un an, le gouvernement Hollande ordonnait l'évacuation de la jungle de Calais.
En octobre 2016, il y a tout juste un an, le gouvernement Hollande ordonnait l'évacuation de la jungle de Calais.

Quelle est la démarche de votre association l’Auberge des migrants ? 

Michel Salomé  : Notre association est récente, elle a été créée il y a neuf ans. Nous travaillons beaucoup en interassociatif. Actuellement, il n’y a plus que 1 000 migrants alors qu’ils étaient 10 000 il y a un an. Nous avons donc regroupé toutes les associations, nous travaillons beaucoup avec les associations anglaises. Nous assurons les besoins vitaux face aux manquements de l’Etat, telle que la distribution de nourriture. Nous fournissons actuellement 2 700 repas chaque jour. Cela nécessite des moyens, financiers bien sûr, mais également des concrets : nous avons un hangar de 2 300 m2.

Notre mission consiste avant tout à aider concrètement les gens pour leur survie. Quand ils arrivent à Calais, ils n’ont plus rien, ils ont faim, ils ont froid. Nous fournissons vêtements et nourriture. Notre principal problème vient du comportement de l’Etat français. Dans les régions de Calais et Dunkerque, les migrants sont interdits d’abri. Dès qu’on leur donne une tente, une bâche, ou même une couverture ou un duvet, les policiers et gendarmes leur confisquent immédiatement. Nous intervenons sur tous les autres points. Mais malheureusement, nous ne pouvons pas leur fournir d’abri. 

Quelle est la situation un an après le démantèlement de la jungle de Calais ? 

M.S : Il y a environ 1 000 personnes entre Calais et Dunkerque qui se répartissent entre 700 à Calais et 300 à Dunkerque. Ils essayent chaque jour de passer en Angleterre, environ une centaine y parvient chaque semaine. Ces 1 000 personnes sont pourchassées par 1 500 policiers et CRS qui sont affectés uniquement à cette traque. Il n’y a pas d’autre mot, ils sont véritablement traqués. Nous sommes entre les deux, essayant de faire respecter la législation, au moins au niveau de la survie. 

La dégradation est forte par rapport à la situation d’avant le démantèlement car les personnes n’ont plus de quoi s’abriter. Jour et nuit, ils errent perpétuellement le long des autoroutes, des parkings, des stations services. Et c’est souvent plus dur pour eux que du temps de la jungle où ils avaient la possibilité de dormir, de se reposer. La situation n’a jamais été aussi difficile depuis 25 ans que j’habite sur Calais. 

Vous intervenez sur la question de la criminalisation de la solidarité avec les migrants. Où en est-on sur ce sujet ? 

M.S : Nous n’intervenons absolument pas pour mettre à l’abri les personnes, mis à part pour leur donner tentes et bâches qui sont confisquées. Nous ne déplaçons pas les personnes migrantes non plus. Nous avons fait une croix là-dessus car cela engendre beaucoup trop de difficultés. Par contre, nous intervenons d’un point de vue juridique dans l’autre sens : nous déposons plainte contre l’Etat pour qu’il respecte les engagements internationaux minimums. Donner de l’eau, permettre aux gens de se laver, disposer de quelques toilettes.  

Nous avons attaqué au niveau du tribunal administratif où nous avons gagné sur certains points et perdu sur la question des abris. L’Etat comme la mairie n’ont pas accepté la décision du tribunal. Nous sommes donc allés jusqu’au conseil d’Etat. Après la décision du conseil d’Etat, le préfet a finalement accepté de mettre en place des douches et des points d’eau.

Cela n’empêche pas le harcèlement de la part des forces de police. Par exemple, une bénévole a reçu deux amendes au prétexte qu’il restait deux sacs de déchets lorsque nous avons quitté le lieu de distribution de repas. Les policiers ont verbalisé cette bénévole alors qu’elle n’était pas du tout responsable de la situation. Aucune benne n’est mise à notre disposition. On a noté un durcissement de la politique à l’encontre des migrants depuis le changement de gouvernement. Avant, nous avions des réunions pour essayer de trouver des solutions à quelques problèmes concrets. Aujourd’hui, les services de l’Etat ne nous écoutent plus et nous verbalisent.