Chloé REBILLARD

A Balichon, le coeur du quartier menacé d’arrêt

Mercredi 18 octobre a été déclaré "Journée noire des associations" en France par le collectif des Associations Citoyennes. Des mobilisations se déroulent dans tout l'Hexagone pour protester contre la décision gouvernementale de supprimer plus de 200 000 contrats aidés. À Bayonne, la Maison de la Vie Citoyenne (MVC) de Balichon est durement touchée.

Sur la façade de la MVC, les salariés ont affiché une banderole pour alerter sur la situation de la structure. © Isabelle Miquelestorena.
Sur la façade de la MVC, les salariés ont affiché une banderole pour alerter sur la situation de la structure. © Isabelle Miquelestorena.

Au centre du carré d’immeubles qui composent le quartier de Balichon, le jardin partagé se colore peu à peu de teintes automnales. Initiative portée par les habitants avec le soutien de la MVC, ce jardin accessible à tous fait vivre le lien social entre les habitants du quartier qui revêtent les habits de jardinier de temps à autre pour entretenir les parterres. 

Face au jardin, la porte de la MVC bat au rythme des entrées et sorties. C’est le coeur de la vie du quartier. Depuis septembre, une banderole affichée par ses salariés orne sa façade : "4 contrats aidés supprimés = MVC en danger." Ici, comme ailleurs, la décision gouvernementale de suppression des CAE met en danger l’activité de l’association et plus particulièrement le centre de loisir qui accueille les enfants. 

Début juillet, lorsque la décision gouvernementale tombe, Eric Braud le directeur de la MVC demande à Pôle emploi s’ils sont concernés. Réponse négative : si ce sont des renouvellements, les contrats seront maintenus. Fin août, Pôle emploi change de cap et indique à la MVC qu’elle ne pourra conserver ses contrats. "Quand les jeunes sont arrivés début septembre, on a dû leur dire au revoir et merci" soupire Eric Braud. Deux emplois sont supprimés à la rentrée. Les deux autres arriveront à échéance en novembre et décembre. Et ses interlocuteurs de Pôle emploi n’ayant aucune directive sur la manière de procéder, le directeur ne sait pas encore ce qu’il adviendra de ces deux salariés. 

Trois des emplois supprimés concernent des emplois d’animation au centre de loisir. Si l’ensemble des contrats aidés disparaissent, il ne restera pour le centre de loisir que la directrice, en CDI. Le dernier contrat aidé était dévolu à l’accueil de la Maison. Eric Braud estime que "humainement, c’est très dur pour l’équipe". Le maintien de l’accueil des enfants en centre de loisir est sur la sellette, même si le directeur assure qu’il va "tout faire pour que le centre ne ferme pas".

Des salariés de plus en plus précaires

Il s’interroge aussi sur l’implication de ses employés qui risquent de tomber dans une plus grande précarité encore : "Si je veux maintenir le centre de loisir, à l’heure actuelle, ma seule solution est de passer les employés en Contrat d’Engagement Educatif (CEE)*. Ils vont donc tomber dans une précarité plus grande encore. Comment on implique des gens de plus en plus précaires ? Ils sont eux-mêmes pris dans leur questionnement personnel, c’est normal, et ça a des conséquences sur le travail effectué."  Si son équipe est touchée directement, au-delà de la maison, c’est l’ensemble du quartier qui pourrait en subir les conséquences. 

Pour Eric Braud et Patrick Joseau, président de l’association MVC centre-ville, la maison joue un rôle de premier plan dans les problématiques sociales du quartier : "On n'est peut-être pas de l’urgence sociale mais on est un rempart pour que les personnes n’y basculent pas. Le risque, c’est qu’elles tombent dans une grande précarité, se retrouvent dans l’isolement et n’aient plus rien auquel se raccrocher." Le directeur de la maison insiste d’ailleurs sur ce point : "On est souvent vu comme une dépense au travers des subventions que l’on reçoit mais on est surtout, à mon sens, une richesse. Si ces personnes-là ne sont pas dans la grande précarité, c’est grâce à nous. S’ils tombent plus bas, et là je réfléchis en pur gestionnaire, ils vont coûter beaucoup plus cher à la société" prévient-il. Le délitement de la structure pourrait mettre en danger la réponse aux besoins des habitants et menacer à terme la paix sociale. 

L’animation est une affaire sérieuse. P. Joseau s’insurge contre les clichés. "Ce n’est pas juste faire des colliers de nouille." La MVC est porteuse d’un projet pédagogique et éducatif. Le centre de loisir permet aussi aux salariés de prendre contact avec des familles, parfois en difficulté. A travers les enfants, c’est l’ensemble de la famille qu’ils parviennent à atteindre. 

Les deux responsables de la structure ne sont pas pour autant de fervents défenseurs du système de contrats aidés. Et ils ont bien conscience que ce contrat est lui-même précaire. E. Braud le souligne : "Je ne dis pas que le CAE est un contrat merveilleux. N’empêche qu’il permettait à des gens d’occuper des emplois. Je veux bien qu’on les supprime mais quelles solutions on me propose à la place ?" La brutalité de l’annonce gouvernementale, sans visibilité sur l’avenir pour de nombreuses structures, est pointée du doigt par tous les milieux touchés par cette disparition. À Balichon, la temporalité de cette suppression s’ajoute à sa brutalité : "On nous supprime des contrats en pleine rentrée scolaire sans nous proposer d’alternative." 

Un collectif d'associations

Eric Braud et Patrick Joseau affichent leur détermination à se battre pour continuer leur travail et à chercher des solutions pour maintenir le centre dans les meilleurs conditions possibles. Patrick Joseau s’alarme quant à lui de la situation générale : "Nous, on est touchés mais nous ne sommes pas les plus gravement impactés. Il y a plein de petites associations qui ne pouvaient se professionnaliser que par ce biais-là et qui, elles, sont menacées de disparition."   

Pour lutter contre cette suppression unilatérale des CAE, un collectif s'est créé sur la côte basque. Sous le titre "Associons-nous BAB", il regroupe les associations qui sont touchées. Et la MVC Balichon est loin d'être un cas isolé. Graine de liberté, Artoteka Café, l'Atalante, Libre plume, Mami txula... : de nombreuses structures sont venues frapper à la porte du jeune collectif. En grave difficulté ou voyant un certain nombre de projets remis en cause, toutes voient leur existence fragilisée par la décision. Elles ont prévu de se mobiliser lors de la manifestation du jeudi 19 octobre pour alerter sur la situation. Et elles participeront à la journée de mobilisation nationale du 10 novembre.     

 

* Le CEE est un contrat qui ne dépend pas du code du travail, mais du code de la famille. Le SMIC n’est donc pas appliqué, le minimum est de 23 euros par jour de travail, peu importe le nombres d’heures réalisées. A l’origine, il visait à indemniser les animateurs volontaires et donc à offrir une compensation à des bénévoles. Il est notamment utilisé pour l’encadrement des colonies de vacances, et des centres de loisir.